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Firmes pharmaceutiques et gouvernement français : vers le retour à une politique de santé soumise à la politique industrielle ? (Novembre 2012)

Paris, le 22 novembre 2012

Le désastre Médiator° est le révélateur de pratiques néfastes en termes de santé publique bien documentées, en aucun cas un "soupçon" injustifié à balayer d'un revers de main. La société civile ne peut accepter que le gouvernement fonde sa stratégie en santé sous la dictée des seuls intérêts industriels.

> Télécharger ce communiqué de presse du Collectif Europe et Médicament (pdf, 159 Ko)

Lors des "4e rencontres internationales de recherche" le 13 novembre 2012, le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a annoncé la reprise du "dialogue" du gouvernement avec les firmes pharmaceutiques, avec des propos ambigus : « Ce dialogue équilibré et responsable doit nous permettre de sortir définitivement de l'ère du soupçon. L'affaire du Médiator a créé une vive émotion dans l'opinion publique, elle a mis en évidence les risques de conflits d'intérêt ou de politiques d'influence contraires à l'intérêt public. Cela s'est traduit par une perte de confiance des Français à l'égard des médicaments dans leur ensemble » (1).

Désastre Médiator° : le révélateur de pratiques néfastes à la santé publique
En 2010, en France, la prise de conscience de l'ampleur et des causes du désastre Mediator° avait permis au ministre de la santé de conduire une politique de santé plus indépendante des politiques industrielles.

Le Collectif Europe et Médicament constate que le gouvernement actuel semble renoncer à conserver cette distance et céder à ceux qui veulent enterrer au plus vite le désastre Mediator°, avec tout ce qu'il a révélé en termes de dysfonctionnements, notamment la trop grande collusion des "experts" et des autorités sanitaires avec les firmes pharmaceutiques.

Le désastre Mediator° n'est pas un cas isolé que l'on peut balayer d'un revers de main. Sur les 6 derniers mois seulement, deux autres scandales, trop peu médiatisés en France, ont encore révélé les pratiques inacceptables de plusieurs firmes pharmaceutiques : dissimulation d'effets indésirables de médicaments aux autorités sanitaires européennes et étatsuniennes, promotion de médicaments hors indication chez des populations vulnérables malgré les risques, etc. (a). Les trop fréquentes mauvaises pratiques des firmes pharmaceutiques, qui sont notamment révélées à l'occasion d'investigations lors de procès, se traduisent par des milliers de victimes parmi les patients.

Au-delà du désastre Mediator°, ces nombreux exemples montrent le danger de la confusion entre politique de santé et politique industrielle : vouloir promouvoir une politique de "santé industrielle" revient à faire passer à nouveau la santé publique et l'intérêt des patients après l'intérêt économique à court terme des firmes.

Décret "sunshine" à la française : trahison de la loi !
Le Premier ministre a également voulu rassurer les chercheurs du domaine biomédical : « Les médecins chercheurs et les industries de santé n'ont pas à cacher leur collaboration, au service de l'innovation et du progrès médical » (1). Il a aussi précisé, et c'est bien le moins : « Les patients doivent pouvoir connaître ces liens ».

Pourquoi alors le ministère de la santé de Madame Touraine a-t-il proposé dans un projet de décret d'exclure ces liens de la transparence pourtant prévue par la loi du 29 décembre 2011 sur la sécurité du médicament et des produits de santé (2) ?

Le Collectif Europe et Médicament dénonce l'organisation par le ministère de la santé de l'opacité sur les cadeaux des firmes aux "acteurs de la santé". En cours de finalisation, le décret "sunshine" vide en effet la loi de son sens : pas de déclaration au premier euro mais par "tranches", déclarations dispersées sur les sites des firmes, désindexation des déclarations pour empêcher les patients de les retrouver en utilisant des moteurs de recherche (2).

Les membres français du Collectif Europe et Médicaments n'accepteront pas ce recul et n'hésiteront pas à déposer un recours en Conseil d'Etat.

Le Collectif Europe et Médicament demande au gouvernement  de ne pas sacrifier la santé publique aux intérêts particuliers industriels.

Le Collectif Europe et Médicament appelle au contraire le gouvernement à promouvoir une politique de santé d'abord au service de la santé publique, ce qui nécessite notamment :

  • de garder une distance salutaire avec les firmes pharmaceutiques en matière de politique de santé ;
  • d'inciter les firmes à recentrer leurs efforts sur la recherche de médicaments offrant un bénéfice tangible pour les patients ;
  • d'œuvrer résolument en faveur de la transparence des liens d'intérêts dans le domaine de la santé.

©Le Collectif Europe et Médicament 22 novembre 2012

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Note :
a- Mi-2012 par exemple, la firme GlaxoSmithKline a accepté de payer une amende record de 3 milliards de dollars pour mettre un terme à plusieurs poursuites intentées par les autorités étatsuniennes (réf. 3). En cause, notamment : la dissimulation à la Food and Drug Administration étatsunienne (FDA) des effets indésirables cardiovasculaires de la rosiglitazone (Avandia°, finalement retiré du marché européen du fait de ces effets indésirables) (réf. 4) et la promotion trompeuse et hors indication de l'anti dépresseur paroxétine (Deroxat° ou autre) aux jeunes de moins de 18 ans malgré le risque accru de suicides (réf. 3).
En Europe, une inspection de routine menée en 2012 pour le compte de l'Agence européenne du médicament (EMA) a révélé que la firme Roche n'avait pas analysé ni transmis aux agences du médicament plus de 80 000 cas suspectés d'effets indésirables, dont plus de 15 000 chez des patients décédés (réf. 5).

Références :
1- "Discours du Premier ministre à l'occasion des 4es rencontres internationales de recherche" (13 novembre) : http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/
discours-du-premier-ministre-a-l-occasion-des-4es-rencontres-internationales-de-rec
2- Collectif Europe et Médicament “Cadeaux des labos : le recul du gouvernement ? communiqué de presse du 25 octobre 2012. http://www.prescrire.org/fr/3/31/48186/0/NewsDetails.aspx
3- “GlaxoSmithKline to plead guilty and pay $3 billion to resolve fraud allegations and failure to report safety data". Site www.justice.gov consulté le 30 juillet 2012 : 3 pages.
4- "European Medicines Agency recommends suspension of Avandia, Avandamet and Avaglim"
http://www.ema.europa.eu/ema/index.jsp?curl=pages/news_and_events/news/2010/09/
news_detail_001119.jsp&mid=WC0b01ac058004d5c1 : 2 pages.
5- “European Medicines Agency acts on deficiencies in Roche medicine-safety reporting".
Site www.ema.europa.eu consulté le 26 juillet 2012 : 2 pages.

> Télécharger ce communiqué de presse du Collectif Europe et Médicament (pdf, 159 Ko)