prescrire.org > Libre Accès > Faire progresser les politiques de santé > Les actions publiques Prescrire, par ordre chronologique > Récapitulatif 2011 > Examen simplifié des modification des termes des AMM ? Oui, mais d'abord réévaluer les "vieilles AMM" nationales (10/2011)

Faire progresser les politiques de santé

Les actions publiques Prescrire, par ordre chronologique

Les actions en 2011 (récapitulatif)
Permettre l'examen simplifié des modifications des termes des AMM purement nationales? Oui, mais d’abord réévaluer les "vieilles AMM" nationales ! (Octobre 2011)

• Réponse à la consultation sur la "révision du Règlement (CE) No 1234/2008 relatif à l'examen des modifications des termes des AMM purement nationales"

> Télécharger la réponse de Prescrire à la consultation (pdf, 153 Ko)

Résumé

Prescrire profite de sa réponse à une consultation technique [concernant la révision d’un Règlement devant permettre de simplifier l’examen des modifications des AMM purement nationales], pour attirer l’attention de l’agence européenne des médicaments (EMA) et des autorités nationales compétentes sur l’urgence d’organiser la réévaluation systématique de toutes vieilles AMM nationales.

Le Règlement (CE) No 1234/2008, adopté en 2008, permet l'examen simplifié des modifications des termes d'une AMM concernant les médicaments autorisés selon une procédure d'autorisation centralisée, décentralisée ou par reconnaissance mutuelle.

La consultation, technique, porte sur la révision du Règlement (CE) No 1234/2008, afin d'en étendre la portée aux médicaments autorisés selon une procédure purement nationale. Dans le cadre d'une procédure nationale d'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), l'évaluation est réalisée par l'autorité compétente d'un État (souvent l'Agence des produits de santé), et n'est valable qu'à l'intérieur de cet État.

Commentaires généraux
Depuis la création de l'Agence européenne du médicament (European Medicines Agency, EMA) en 1995, de plus en plus d'AMM sont octroyées selon une procédure centralisée, ou par reconnaissance mutuelle. Cependant, encore 80 % des AMM au sein de l'Union européenne restent des AMM nationales (1).

Les "vieilles AMM" nationales : bombes à retardement en termes de sécurité ?
En France, le benfluorex (Médiator°), à l'origine d'un désastre sanitaire, était autorisé par une vieille AMM nationale (2)

Certaines AMM purement nationales encore en vigueur au sein de l'Union européenne ont parfois été obtenues selon d'anciens standards nationaux, disparates, à une époque où les Agences du médicament n'existaient pas. Les résumés des caractéristiques des produits (RCP) et les notices des médicaments autorisés selon une procédure purement nationale sont souvent peu informatifs et de contenu variable selon les pays (3). L'ancienneté de ces AMM nationales conduit à banaliser ces substances, malgré les incertitudes quant à leur profil de sécurité (4). Les processus d'harmonisation des AMM nationales sont bienvenus (article 30 de la Directive 2001/83/CE), mais les moyens mis à disposition par la Commission Européenne ne sont pas à la hauteur des enjeux en terme de santé publique : seuls 10 ou 12 médicaments passent chaque année au crible des harmonisations (5). Enfin, les veilles AMM nationales n'entreront que progressivement dans les processus d'harmonisations pédiatriques (6).

Ainsi, en 2011, certaines "vieilles AMM nationales" (accordées avant les années 1990) exposent les citoyens européens à des risques graves en termes de sécurité. L'affaire du Médiator° devrait conduire l'Agence européenne et les autorités compétentes de tous les États membres à agir vis-à-vis des médicaments disposant de vieilles AMM nationales (lire ci-dessous).

D'abord réévaluer les vieilles AMM nationales, puis harmoniser la procédure d'examen des modifications des AMM nationales restantes.
Afin de réduire le travail administratif des Agences du médicament concernant l'examen des modifications d'AMM nationales (alias variations), mieux vaudrait, en parallèle des processus d'harmonisation selon l'article 30 de la Directive 2001/83/CE, commencer par programmer la réévaluation systématiques des vieilles AMM au niveau national. Selon un cercle vertueux, ces évaluations permettraient d'initier le retrait des marchés nationaux de vieilles AMM inutiles, donc de réduire la quantité des modifications des AMM nationales restantes à gérer.

Cette réévaluation pourrait s'inspirer du processus mis en place par l'Agence française (Afssaps) pour ce qui concerne les AMM antérieures à 2005, en hiérarchisant les priorités des médicaments à réévaluer selon des critères solides (médicaments pour lesquels il existe des doutes quant à leur sécurité, médicaments largement utilisés, etc.) (7). Nous proposons aussi que les réévaluations des AMM détenues par une même firme dans plusieurs États membres selon des procédures nationales permettent l'harmonisation des noms commerciaux, en privilégiant les noms commerciaux utilisant la dénomination commune internationale. Ces réévaluations doivent conduire à des rapports publics d'évaluation rendus publics sur les sites des autorités européennes (European Medicines Agency (EMA) ou Heads of Medicines Agencies (HMA)).

Déconnecter le processus d'alerte sur les risques du processus d'évaluation des variations.
Le regroupement de variations de types différents ou les délais d'acceptation d'une demande de groupe de variations par les États Membres concernés peut retarder l'évaluation de ces variations. Afin de ne pas retarder l'information, quand une variation est liée à des données de pharmacovigilance, l'alerte de pharmacovigilance (précisant que tel effet indésirable a été observé lié à tel produit dans tels et tels cas) doit être rendue publique sans attendre le terme de la procédure d'examen de cette variation.
Afin d'améliorer l'accès des citoyens aux informations officielles concernant les médicaments, les RCP, notices des médicaments, et maquette des conditionnements (y compris des dispositifs doseurs) autorisés selon une procédure nationale doivent, eux-aussi, être rapidement (par exemple d'ici fin 2012) mis en ligne sur le portail Eudrapharm, base de donnée gérée par l'Agence européenne des médicaments et devant répertorier toutes les spécialités commercialisées au sein de l'Union européenne, et ce dans toutes les langues de l'Union Européenne.

Les modifications ultérieures de ces documents devraient être mises en ligne sur le modèle des "steps taken", historique des modifications qui accompagne les rapports publics d'évaluation européens (EPAR) sur le site de l'EMA (date et nature de la/des modification(s)). Et les changements survenus à chaque variation devraient être mis en valeur (lettres surlignées en gras par exemple).  

©Prescrire 20 octobre 2011

Références:
1 - European Commission Health and Consumers Directorate General "Review of the Commission Regulation (EC) No 1234/2008" Brussels, Public consultation paper ; 21/09/2011. (Deadline for Public Consultation: 22 October 2011; maria-angeles.FIGUEROLA-SANTOS@ec.europa.eu)
2 - Le benfluorex (Médiator°) a été pendant plus de 30 ans un médicament indiqué en adjuvant des traitements du diabète dont l'efficacité n'était pas bien démontrée. Cette substance amphétaminique a en réalité été longtemps largement utilisée comme amaigrissant. Il aura fallu la détermination d'une pneumologue française ayant mené une étude cas-témoin pour que la décision du retrait du benfluorex (Médiator°) du marché français soit prise en 2009 et de l'Union européenne en juin 2010, alors que ses effets indésirables gravissimes (à l'origine d'au moins 500 morts en France, en particulier suite à des déformations des valves cardiaques) ont été dissimulés pendant très longtemps !
3 - Un exemple parmi de très nombreux autres : le risque d'allongement de l'intervalle QT lié à la substance citalopram n'est pas mentionné dans le RCP de la spécialité commercialisée en France Séropram°, alors qu'il est mentionné dans le RCP de la spécialité Cipramil° commercialisée au Royaume-Uni.
4 - Par exemple, suite au scandale du Mediator°, l'Agence française a réévalué plusieurs substances anciennes : elle a recommandé le retrait du marché du buflomédil et de la trimétazidine ; la méquitazine a été inscrite sur la liste des médicaments soumis à prescription ; l'utilisation de la quinine a été réévaluée dans les crampes et celle de la méphénésine en automédication (réfs : rev Prescrire 2011). Un exemple à l'échelle européenne : en 2011, le Heads of Medicines Agency a réévalué le métoclopramide et recommandé de ne pas l'utiliser chez les enfants (HMA "Primperan (and others) Metoclopramide" Rapporteur's public paediatric assessment report ; Nov 2010 : 64 pages).
5 - Heads of Medicines Agency - CMDh "Harmonisation of SPCs in accordance with Article 30(1) and with Article 30(2) of Directive 2001/83/EC, as amended" Table Article 30 au 17/10/2011.
6 - HMA – CMDh "Article 45of the Paediatric Regulation – EU Worksharing" Ref: CMDh/014/2008/Rev16 ; Sept. 2011 : 13 pages.
7 - Afssaps "Méthode de « priorisation » de la réévaluation du rapport bénéfices-risques des médicaments ayant une autorisation de mise sur le marché antérieure à 2005" Point d'information juillet 2011 : 3 pages.
8 - "a) Not to allow worksharing where the same product has several marketing authorisations in different member states which are not harmonised. A precondition to benefit from worksharing would be the harmonisation of dossiers."
9 - "b) No additional restrictions to include variations to purely national marketing authorisations as long as the worksharing variations refer to a part of the dossiers that is considered not to need harmonisation."

> Télécharger le "Public Consultation Paper" de la Commission Européenne (pdf, 38 Ko)

> Télécharger la réponse de Prescrire à la consultation (pdf, 153 Ko)