Les troubles de la mémoire sont souvent mis sur le compte de l'âge, et sont parfois confondus avec une démence débutante. Mais une origine médicamenteuse est parfois à évoquer.
• Le Centre régional de pharmacovigilance de Poitiers a mené une étude à partir des données de la base française de pharmacovigilance (1). Entre janvier 2003 et avril 2008, 266 cas de troubles de la mémoire enregistrés dans la base (démences exclues) ont été comparés aux 98 995 autres cas d'effets indésirables enregistrés. Il y avait environ 2 fois plus de femmes que d'hommes. L'âge moyen était 55 ans (4 à 93 ans). L'évolution a été favorable dans 63 % des cas.
Un risque relatif estimé statistiquement significatif a été retrouvé pour de nombreux médicaments. Certains étaient prévisibles, comme des hypnotiques : le zolpidem avec un risque relatif estimé à 25 et la zopiclone avec un risque relatif estimé à 11, ou l'oxybate de sodium avec un risque relatif estimé à 19 ; et aussi des benzodiazépines, des antidépresseurs, des antalgiques, des anticonvulsivants, des neuroleptiques.
D'autres ont aussi été associés à un risque relatif d'environ 10 : le ranélate de strontium, un médicament de l'ostéoporose, la méfloquine, un antipaludéen, et le lopéramide, un antidiarrhéique analogue structurel des opioïdes.
• Le Centre régional de pharmacovigilance de Nancy a mené une étude à partir des mêmes données, sur les médicaments non benzodiazépiniques (ni apparentés) en cause dans la survenue d'ictus amnésique (amnésie durant entre 1 heure et 24 heures), sans altération de la conscience ni déficit neurologique (2).
De 1985 à 2007, 51 notifications spontanées de ce type ont été enregistrées (quasiment autant d'hommes que de femmes, d'âge moyen 57,5 ans).
Dans 20 cas, l'amnésie est apparue dans les 24 heures après le début de la prise médicamenteuse. Dans 13 cas (25 %), des facteurs favorisants étaient présents : geste médical invasif, anesthésie, rapport sexuel, émotion ou douleur intenses.
Dans 38 cas, un seul médicament a été suspecté. Il s'agissait surtout de médicaments cardiovasculaires (11,4 %), de psychotropes (10,1 %), d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (8,9 %), d'anti-infectieux (8,9 %) et d'antitussifs (7,6 %) (2).
Des médicaments ayant un effet atropinique entraînent des troubles mnésiques (3).
• Le Centre régional de pharmacovigilance de Limoges a rapporté deux épisodes d'ictus amnésique d'une durée de moins d'une heure chez un homme de 58 ans. Ils sont survenus dans l'heure qui a suivi l'injection d'alprostadil alors qu'il l'utilisait depuis 1 an pour des troubles de l'érection (4).
• En pratique. Devant des troubles de la mémoire, penser à mettre en cause les médicaments peut rendre service aux patients.
©Prescrire 1er novembre 2009
"Trentièmes journées françaises de la pharmacovigilance" Rev Prescrire 2009 ; 29 (313) : 827-834. (pdf, réservé aux abonnés)
Références
1- Chavant F et coll. "Drugs and memory : a case/non case-study in the French pharmacovigilance database" 30es journées de pharmacovigilance, Marseille : 15-17 avril 2009. Fundamental Clin Pharmacol 2009 23 (suppl 1) : 32 (abstract 161).
2- Cosserat F et coll. "Drug-induced transient amnesia and transient global amnesia (excluding benzodiazepine) : analysis of the French Pharmacovigilance database" 30es journées de pharmacovigilance, Marseille : 15-17 avril 2009. Fundamental Clin Pharmacol 2009 23 (suppl 1) : 48-49 (abstract 245).
3- Prescrire Rédaction "Maladie d'Alzheimer : gare aux interactions avec les anticholinestérasiques" Rev Prescrire 2006 26 (269) : 111-115.
4- Crepin S et coll. "A case of transient global amnesia following intracavernous administration of alprostadil" 30es journées de pharmacovigilance, Marseille : 15-17 avril 2009. Fundamental Clin Pharmacol 2009 23 (suppl 1) : 31 (abstract 155). Version complète : 13 pages.
