L'année 2019 du médicament, en bref

Résumé

Au cours de l'année 2019, 11 nouveautés médicamenteuses sur les 108 ayant fait l'objet d'une analyse avec cotation dans Prescrire ont apporté un progrès notable pour les patients, dans des domaines thérapeutiques variés (hémophilie, divers cancers, infections par le HIV ou le virus de l'hépatite C, maladies rares).

Tous les mois, Prescrire publie une analyse indépendante, comparative et méthodique des nouveautés concernant les médicaments : nouvelles substances, nouvelles indications, nouvelles formes pharmaceutiques, etc. Prescrire suit aussi de près les effets indésirables des médicaments, les arrêts de commercialisation, les retraits du marché ou les ruptures de stocks, la réglementation des produits de santé, particulièrement au niveau de l'Union européenne. L'objectif est d'aider les abonnés à distinguer, parmi les nouveautés, celles qui apportent un progrès pour les soins de celles qui s'ajoutent sans progrès, voire qui n'auraient pas dû être autorisées vu les incertitudes ou leur dangerosité.

11 progrès notables sur 108 nouveautés

En 2019, 108 nouveautés médicamenteuses ont été cotées par Prescrire (voir le tableau "10 ans de cotation des nouvelles spécialités ou indications dans Prescrire"). Cette année encore, la part des nouveautés n'apportant pas de progrès est élevée (61 cotées "N'apporte rien de nouveau" sur 108). Un certain progrès a été apporté par 24 nouveautés, mais minime pour 13 d'entre elles (cotées "Éventuellement utile").

Le progrès a été notable pour 11 nouveautés (cotées "Intéressant" ou "Apporte quelque chose"), dont 6 ont été récompensées au Palmarès Prescrire 2019 des médicaments. L'évaluation de 9 nouveautés n'a pas permis de déterminer leur balance bénéfices-risques (cotées "Ne peut se prononcer"). Enfin, 14 nouveautés ont été évaluées plus dangereuses qu'utiles (cotées "Pas d'accord").

Peu de nouvelles substances parmi les progrès notables

Parmi les 11 progrès notables de 2019, seuls l'émicizumab et le durvalumab sont de nouvelles substances. Pour la trastuzumab emtansine dans certains cancers du sein et le ruxolitinib dans la myélofibrose, ce n'est que plusieurs années après l'octroi de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), et sur la base de nouvelles données, que le progrès a été constaté. Les AMM sont trop souvent accordées sur la base d'une évaluation très insuffisante. Dans ces deux cas, les nouvelles données vont dans le bon sens. Mais parfois c'est l'inverse, et des patients ont été exposés inutilement à des effets indésirables graves.

L'acide chénodésoxycholique et la trientine sont des substances anciennes, dont la mise à disposition encadrée par une AMM est bienvenue pour faciliter l'accès, avec des garanties importantes de qualité et de surveillance, à ces médicaments utiles.

Deux médicaments ont été autorisés dans de nouvelles tranches d'âge : l'association glécaprévir + pibrentasvir chez les adolescents atteints d'hépatite C chronique ; et le raltégravir chez des nouveau-nés atteints du HIV, avec une nouvelle présentation permettant d'administrer des doses adaptées aux tout-petits.

Dans le domaine de la cancérologie, deux immuno-stimulants agissant sur la voie du récepteur PCD-1 apportent un progrès : l'un déjà connu, le pembrolizumab, dont les autorisations s'étendent, et l'autre nouveau, le durvalumab.

Après les cytotoxiques, l'hormonothérapie, les thérapies ciblées, et les immunostimulants, les thérapies dites CAR-T (l'axicabtagène ciloleucel et le tisagenlecleucel) constituent une nouvelle approche de traitement de certains cancers, s'apparentant davantage à une autogreffe de lymphocytes qu'à des médicaments. Même si les résultats semblent prometteurs, l'évaluation des deux thérapies disponibles, l'axicabtagène ciloleucel et le tisagenlecleucel, est encore limitée.

Des positions pertinentes de la Commission de la transparence de la HAS en France

Deux nouveaux médicaments autorisés dans l'Union européenne n'ont pas fait l'objet d'une analyse approfondie avec cotation du progrès thérapeutique par Prescrire. Il s'agit de l'olaratumab (Lartruvo°), un antitumoral autorisé dans les sarcomes des tissus mous sur la base de résultats préliminaires réellement insuffisants, et dont l'AMM a été retirée à juste titre par la Commission européenne mi-2019 ; et de la padéliporfine (Tookad°), un médicament photosensibilisant autorisé chez certains patients atteints d'un cancer localisé de la prostate, dont la balance bénéfices-risques est incertaine (n° 434, p. 881, 902, 943-944). La Commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) a protégé les patients en rendant un avis défavorable à la prise en charge de ces deux médicaments, compromettant par là leur commercialisation en France.

En somme : un tri toujours nécessaire

En 2019, 10 % des nouveautés apportent un progrès notable pour mieux soigner. Le tri parmi les nouveautés est d'autant plus impératif que le système européen de régulation du marché du médicament continue à faire la part belle aux firmes, en ne protégeant pas suffisamment les patients, comme en témoignent les 20 % de nouveautés pour lesquelles la balance bénéfices-risques est incertaine, voire clairement défavorable.

©Prescrire

10 ans de cotation des nouvelles spécialités ou indications dans Prescrire

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INTÉRESSANT

  • émicizumab (Hemlibra°) dans l'hémophilie A chez les patients avec inhibiteurs du facteur VIII (n° 430).

APPORTE QUELQUE CHOSE

  • acide chénodésoxycholique (Chenodeoxycholic acid Leadiant°) dans la xanthomatose cérébrotendineuse (n° 427) ;

  • association glécaprévir + pibrentasvir (Maviret°) dans l'infection chronique par le virus de l'hépatite C chez les adolescents (n° 434) ;

  • axicabtagène ciloleucel (Yescarta°) dans certains lymphomes en impasse thérapeutique (n° 428) ;

  • durvalumab (Imfinzi°) en traitement "de maintenance" du cancer bronchique (n° 432) ;

  • pembrolizumab (Keytruda°) en association avec des cytotoxiques dans des cancers bronchiques avec faible expression de la protéine PCD-L1 (n° 434) ;

  • raltégravir (Isentress°) en granulés chez les nouveau-nés infectés par le HIV (n° 431) ;

  • ruxolitinib (Jakavi°) dans la myélofibrose (n° 425) ;

  • tisagenlecleucel (Kimriah°) dans certaines leucémies aiguës lymphoblastiques chez les enfants et les jeunes adultes (n° 428) ;

  • trastuzumab emtansine (Kadcyla°) dans les cancers du sein non opérables (n° 427) ;

  • trientine (Cufence°, Cuprior°) dans la maladie de Wilson (n° 434).

ÉVENTUELLEMENT UTILE

  • association emtricitabine + ténofovir disoproxil (Truvada° ou autre) dans la prévention de l'infection par le HIV chez les adolescents (n° 426) ;

  • atazanavir (Reyataz°) en poudre orale dans l'infection par le HIV dès l'âge de 3 mois (n° 427) ;

  • baclofène (Baclocur°) dans l'alcoolodépendance (n° 433) ;

  • cénégermime en collyre (Oxervate°) dans la kératite neurotrophique (n° 423) ;

  • colchicine (Colchicine Opocalcium°) dans la péricardite aiguë (n° 431) ;

  • dupilumab (Dupixent°) dans l'eczéma atopique chez les adultes (n° 424) ;

  • érénumab (Aimovig°) dans la prévention des crises de migraine (n° 427) ;

  • glycopyrronium (Sialanar°) dans les sialorrhées dues à des troubles neurologiques (n° 430) ;

  • métréleptine (Myalepta°) dans les lipodystrophies avec déficit en leptine (n° 434) ;

  • pasiréotide intramusculaire (Signifor°) dans la maladie de Cushing (n° 425) ;

  • peginterféron alfa-2a (Pegasys°) dans l'hépatite B chronique dès l'âge de 3 ans (n° 423) ;

  • phénylbutyrate de glycérol (Ravicti°) dans les déficits de la synthèse de l'urée (n° 428) ;

  • tocilizumab sous-cutané (Roactemra°) dans l'artérite à cellules géantes (n° 425).

LA RÉDACTION NE PEUT SE PRONONCER

  • adalimumab (Humira° ou autre) dans les uvéites antérieures chroniques chez les enfants (n° 429) ;

  • brentuximab védotine (Adcetris°) dans les lymphomes cutanés à cellules  T (n° 426) ;

  • burosumab (Crysvita°) dans l'hypophosphatémie liée à l'X (n° 426) ;

  • cerliponase alfa (Brineura°) dans la céroïde lipofuscinose neuronale de type 2 (n° 433) ;

  • darvadstrocel (Alofisel°) dans les fistules périanales complexes liées à la maladie de Crohn (n° 434) ;

  • mogamulizumab (Poteligeo°) dans le mycosis fongoïde et le syndrome de Sézary (n° 434) ;

  • oxycodone + naloxone (Oxsynia°) dans le syndrome des jambes sans repos (n° 425) ;

  • sirolimus (Rapamune°) dans la lymphangioléiomyomatose sporadique (n° 432) ;

  • tocilizumab (Roactemra°) dans le syndrome de libération de cytokines lié aux thérapies CAR-T (n° 428).

PAS D'ACCORD

  • abémaciclib (Verzenios°) dans certains cancers du sein (n° 431) ;

  • association colchicine + opium + tiémonium (Colchimax°) dans la péricardite aiguë (n° 431) ;

  • ataluren (Translarna)° dans la myopathie de Duchenne chez les enfants âgés de 2 ans à 4 ans (n° 433) ;

  • chondroïtine 1 200 mg en gel oral en sachets (Chondrosulf°) (n° 424) ;

  • ertugliflozine (Steglatro° et autres) dans le diabète de type 2 (n° 434) ;

  • éthinylestradiol + diénogest (Misolfa°, Œdien°) dans la contraception ou l'acné (n° 426) ;

  • hormone parathyroïdienne humaine recombinante (Natpar°) dans l'hypoparathyroïdie chronique (n° 431) ;

  • mépolizumab (Nucala°) dans l'asthme sévère dès l'âge de 6 ans (n° 432) ;

  • olaparib (Lynparza°) dans le cancer de l'ovaire sans mutation BRCA (n° 429) ;

  • pentosane polysulfate (Elmiron°) dans le syndrome de la vessie douloureuse (n° 423) ;

  • pertuzumab (Perjeta°) en traitement adjuvant dans certains cancers du sein à risque élevé de récidive (n° 431) ;

  • solifénacine buvable (Vesicare°) dans l'hyperactivité vésicale d'origine neurologique chez les enfants (n° 429) ;

  • ténofovir alafénamide + emtricitabineelvitégravir + cobicistat (Genvoya°) dans l'infection par le HIV chez les enfants (n° 426) ;

  • tolvaptan (Jinarc°) dans la polykystose rénale avec atteinte rénale sévère (n° 431).

Progrès de l'année 2019 Comparaison aux 9 années précédentes

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