Dans les coulisses des stratégies de vente de la firme Mallinckrodt, au rôle majeur dans la crise étatsunienne des opioïdes
Entre 1999 et 2022, aux États-Unis d'Amérique, la crise des opioïdes soumis à prescription a entraîné la mort par surdose d'environ 310 000 personnes (1). Depuis 2015, des milliers d'actions en justice ont visé des entreprises privées (firmes commercialisant des opioïdes, chaînes de pharmacies, cabinet de conseil, agence publicitaire, etc.), des cabinets médicaux et des fondations dans le domaine de la médecine. Les accords judiciaires ont conduit au paiement de milliards de dollars aux collectivités touchées, mais aussi à la publication de documents internes de firmes impliquées (1,2). Ainsi, lors d'une procédure pour faillite en 2020, plus de 1,4 million de documents internes de la firme Mallinckrodt, tels que des courriels internes ou des données de vente, datés principalement de la période 2009-2017, ont été rendus publics. Ils sont hébergés depuis 2021 sur une base d'archives en ligne (lire l'encadré "Du tabac aux opioïdes, des archives de l'industrie riches d'enseignements") (2,3). Leur analyse a donné lieu à diverses publications, notamment par la presse – le Washington Post y a eu, un temps, un accès exclusif – et par des chercheurs en sciences sociales (3à7). Ce texte vise à en présenter les principaux résultats.
Beaucoup de moyens déployés pour vendre toujours plus d'opioïdes
La firme Mallinckrodt est, y compris aux États-Unis d'Amérique, moins connue que la firme Purdue qui commercialisait Oxycontin°, à base d'oxycodone (4,5,8). Pourtant, entre 2006 et 2014, elle figurait au premier rang des firmes commercialisant des opioïdes sur prescription, en nombre de doses, un peu devant Actavis et loin devant Purdue (3,7). Ce résultat est en partie attribué à son choix de développer, à partir du milieu des années 2000, des génériques moins chers et fortement dosés (a)(7).
Un acteur important du "cartel de la drogue"
En 2010, l'Agence étatsunienne de lutte contre la drogue (DEA, pour Drug enforcement administration) a qualifié la firme Mallinckrodt de « caïd du cartel de la drogue » parmi les firmes légales. Selon cette Agence, la firme a livré de grandes quantités de comprimés d'opioïdes à des pharmacies dont elle savait qu'elles alimentaient des cliniques de traitement de la douleur surnommées « moulins à pilules », car prescrivant massivement, avec pour effet d'alimenter le marché illégal de la drogue (5,9).
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