Victimes de médicaments : une opportunité européenne à saisir

Une directive de 1985 établissait les règles à respecter par les États membres de l'Union européenne dans le domaine de la responsabilité des firmes en cas de problème de sécurité avec leurs produits de santé. Sa nouvelle version de 2024 ouvre des opportunités pour les victimes de tels produits.

Une nouvelle directive plus favorable aux victimes de produits de santé

Au printemps 2022, Prescrire avait travaillé avec France Assos Santé sur la révision de la directive de 1985 portant sur "la responsabilité du fait des produits défectueux" (1). Selon cette directive, quand un produit (de santé ou pas) a un défaut et cause un dommage à un consommateur, la responsabilité du producteur peut être engagée même sans faute ni négligence de ce dernier. « Un produit est considéré comme défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle une personne peut légitimement s'attendre » (2).

Le 27 avril 2023, un courrier signé par Prescrire, France Assos Santé et une quarantaine d'organisations européennes représentant des patients, des consommateurs et des professionnels de santé, a été adressé au Parlement européen. Ce courrier invitait les députés à déposer des amendements pour faire progresser le droit des victimes d'effets indésirables graves liés à des produits de santé (3).

Les signataires ont demandé notamment de :

  • corriger le fait que l'indemnisation par les firmes des victimes d'effets indésirables est impossible dès lors que le risque est mentionné dans la notice du médicament ;

  • confirmer le droit des pays à ne pas reconnaître, s'ils le souhaitent, l'"exonération pour risque de développement", qui permet aux firmes d'échapper à leur responsabilité en s'abritant derrière leur méconnaissance du risque à l'époque où le dommage a eu lieu, un argument difficile à récuser par les victimes ;

  • simplifier les modalités d'action en justice et allonger les délais de recours pour les plaignants (3).

Des avancées à saisir au niveau national

La directive publiée fin octobre 2024 présente des avancées plus ou moins importantes sur l'ensemble de ces points.

Elle précise ainsi que « la responsabilité découlant de la présente directive ne peut être évitée par la simple énumération de tous les effets secondaires imaginables d'un produit » (2). Il est aussi possible pour la France de supprimer l'exonération pour risque de développement pour les médicaments, ce que la France n'avait malheureusement pas choisi de faire lors de la transposition de la directive de 1985, contrairement à l'Allemagne, par exemple (4).

En outre, le délai dit de forclusion, c'est-à-dire le temps maximal pour qu'une victime puisse engager une action en justice à partir de la date de mise sur le marché du produit, a été allongé de 10 à 25 ans, ce qui permettra de prendre en compte des effets indésirables tardifs, voire transgénérationnels. La directive de 2024 ouvre aussi des possibilités pour aider les victimes dans la démonstration de la défectuosité d'un produit d'une part, et d'un lien entre un produit et les dommages d'autre part (2).

En pratique

Cette nouvelle directive pourra bénéficier aux victimes de médicaments si sa transposition nationale est faite au mieux de l'intérêt des patients et si les tribunaux utilisent pleinement les possibilités d'interprétation du texte.

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- "Proposal for a Directive on liability for defective products (…) Amendments proposals by France Assos Santé et Prescrire" 10 mars 2022 : 6 pages.

2- Eur-Lex "Directive 2024/2853 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux (…)" : 22 pages.

3- "Lettre aux Membres des commissions JURI et IMCO" 27 avril 2023 : 2 pages.

4- Schwenzer I "L'adaptation de la directive communautaire du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux en Allemagne fédérale" Revue internationale de droit comparé 1991 ; 43 (1) : 57-74.