L'Agence européenne du médicament (EMA) a refusé de transmettre à Prescrire les données détaillées qu'elle détient sur les cas de décès survenus à la suite d'une première prise de fingolimod (Gilenya°). Une opacité dangereuse pour les patients.
Le fingolimod (Gilenya°) est un immunodépresseur autorisé depuis mars 2011 par l'Agence européenne du médicament (EMA) pour certains patients atteints de sclérose en plaques. Le dossier d'évaluation avant mise sur le marché montrait déjà des troubles du rythme cardiaque, entre autres. En avril 2011 Prescrire conseillait de réserver le fingolimod à des essais cliniques rigoureusement suivis.
Le 20 décembre 2011, la Food and Drug Administration des États-Unis signale la mort subite d'un patient survenue au cours des 24 heures suivant une première prise de fingolimod.
Le 22 décembre 2011, en réaction à l'alerte FDA et devant le silence de l'EMA, Prescrire demande à l'EMA un bilan des effets indésirables graves du fingolimod, et le 1er rapport périodique européen sur les effets indésirables (PSUR), qui devait être remis à l'EMA par la firme 6 mois après l'autorisation de mise sur le marché, donc en septembre 2011.
Il faut attendre le 20 janvier 2012 pour que l'Agence européenne communique publiquement sur le sujet, faisant état de 3 autres morts subites et 3 décès inexpliqués.
Trois jours plus tard, le 23 janvier 2012, 34 minutes seulement avant l'expiration de son délai légal de réponse, l'EMA signifie à Prescrire un rejet de sa demande du 22 décembre, au motif qu'une réévaluation européenne sur le fingolimod est en cours : elle a été déclenchée 3 jours auparavant.
Le 7 février 2012, Prescrire réitère sa demande d'information auprès du Directeur de l'EMA, Guido Rasi, contestant fermement les motifs de refus de l'Agence européenne. Au 17 février 2012, le Directeur de l'EMA n'a pas répondu à Prescrire.
Encore une fois, l'Agence européenne refuse de livrer aux patients et aux soignants des informations importantes sur les effets indésirables d'un médicament après la mise sur le marché, informations qui sont pourtant le fruit du travail de signalement des patients et des soignants.
En mai 2011, l'EMA avait déjà utilisé le motif d'une réévaluation en cours pour refuser de documenter Prescrire sur la pioglitazone (Actos°), qui augmente la fréquence des cancers de la vessie et n'est plus remboursable en France. La Commission européenne a maintenu les autorisations de la pioglitazone.
Début 2012, l'Agence européenne du médicament et la Direction Santé et Consommateurs de la Commission européenne se comportent comme avant le désastre Mediator°. Elles font bénéficier le doute aux firmes plutôt qu'aux patients, et ne diffusent qu'au compte-gouttes les informations sur les effets indésirables des médicaments. Il est grand temps qu'elles assument leur mission première : la protection de la santé des patients, avant la protection des intérêts économiques des firmes pharmaceutiques.
©Prescrire 20 février 2012