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Thème : Principes de base

Intégrer en permanence les incertitudes et les probabilités, les possibilités et les impossibilités, et, par delà des cultures et les convictions, ancrer les décisions aux principes fondamentaux des métiers de soignants.

La constance du soignant

Résister à la facilité de prescrire, ne pas trop médicaliser ni médicamenter l'existence.

La Constance du soignant
Il faut parfois aux soignants une sacrée constance pour résister à la facilité de prescrire ou de conseiller un médicament. Surtout quand le patient attend du médicament la solution miracle à ses difficultés du moment.

Surtout quand le bruit de fond médiatique et les leaders d’opinion poussent toujours plus à croire à cette facilité, à ce miracle : une petite pilule pour le bien-être, sans aucun effet indésirable. Pourquoi résister alors ?

Parce que les soignants professionnels savent qu’en réalité tout soin expose à des effets indésirables, avec une balance bénéfices-risques parfois défavorable. Et qu’un des premiers devoirs des soignants est de ne pas nuire.

Tel un jardinier apprenant, saison après saison, à cultiver un potager respectueux de la nature, les soignants ont pour rôle de se préoccuper, au fil du temps, de la santé des patients qui viennent en confiance leur demander de l’aide.

Face à la plainte de mauvais sommeil comme face à tant d’autres plaintes, les soignants voient trop de patients piégés, dépendants d’un médicament psychotrope, alors que d’autres moyens, médicamenteux ou non, auraient vraisemblablement pu être utilisés avec succès. Comme il est alors difficile d’expliquer les balances bénéfices-risques défavorables aux patients déjà bien “accrochés”… Pourtant, cela vaut parfois la peine de prendre le temps du dialogue, pour dégager le patient de sa dépendance, comme le suggèrent certaines données de l’évaluation.

Face à la plainte de mauvais sommeil, comme souvent, des solutions existent, autres que médicamenteuses. Avant tout, expliquer la physiologie et ses troubles, rassurer quant à leurs conséquences. Ce qui nécessite pour les soignants de prendre un peu plus de temps. Cet investissement est tellement important pour l’avenir des patients : il contribue à les faire partir ou repartir d’un bon pied.

Le médicament attendu est parfois une solution utile au patient pour passer un cap. Mais alors, restons pragmatiques, aiguisons notre vigilance de soignants, et utilisons divers moyens à notre disposition, par exemple : la plus petite dose possible, de manière intermittente, la planification de l’arrêt du traitement dès le départ, une dispensation fractionnée.

Face à toute souffrance, mieux vaut que les soignants apportent aux patients de l’écoute, du dialogue, des explications, et des solutions dont la balance bénéfices-risques est acceptable.

Avec la constance de ne pas trop médicaliser ni médicamenter l’existence.

©Prescrire 2012

Rev Prescrire 2012 ; 32 (342) : 246.

Tiré de Rev Prescrire 2008 ; 28 (292) : 81.

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