Maladies professionnelles : tableaux à revoir

En France, la voie principale de reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie repose sur des tableaux de maladies professionnelles propres à chacun des régimes général et agricole de la Sécurité sociale (1). Chaque tableau fixe : la désignation de la maladie ou des symptômes ; le délai de prise en charge (durée maximale entre l'arrêt de l'exposition au risque et le premier constat médical de la maladie), et parfois une durée minimale d'exposition ; la liste, indicative ou limitative, des travaux susceptibles de provoquer la maladie (1,2). Si toutes les conditions du tableau concerné sont remplies, l'origine professionnelle est présumée : la reconnaissance comme maladie professionnelle est alors automatique. Si au moins une de ces conditions n'est pas remplie ou si la maladie ne figure dans aucun tableau, cette reconnaissance passe par une voie plus complexe (1,3).

Fin 2024, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a constaté la nécessité, d'une part, d'actualiser les tableaux de maladies professionnelles en y intégrant les connaissances scientifiques disponibles et, d'autre part, d'en améliorer la lisibilité (2).

Des tableaux obsolètes, incohérents, voire à créer

Des « manques importants » sont relevés par l'Anses dans plusieurs tableaux. Par exemple, la désignation de la maladie intègre parfois des examens à visée diagnostique ou étiologique qui sont obsolètes. « L'ensemble des délais de prise en charge méritent vérification », certains étant notamment trop courts pour réaliser les examens diagnostiques exigés, ou disparates entre les tableaux. Lorsqu'elles sont limitatives, les listes de travaux susceptibles d'avoir provoqué la maladie sont souvent trop restrictives. Des « incohérences » sont relevées entre les tableaux des régimes général et agricole en matière de désignations de maladies, de délais de prise en charge ou de durées d'exposition (2).

Par ailleurs, l'Anses identifie 41 maladies ayant un lien avéré avec une exposition professionnelle, mais qui ne figurent pas dans des tableaux, notamment : des cancers (celui du poumon lié aux gaz d'échappement de moteur diesel, par exemple), des troubles cardiovasculaires, psychiques et cognitifs, des affections respiratoires (2).

Sous-déclaration et sous-reconnaissance

Dans le régime général, les maladies professionnelles et accidents du travail non déclarés comme tels sont pris en charge par la branche maladie, au lieu de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) financée par les cotisations des entreprises. En 2024, la commission chargée d'évaluer pour le Parlement et le gouvernement le coût indu pour la branche maladie de cette sous-déclaration a élargi pour la première fois son évaluation aux souffrances psychiques liées au travail. Le coût indu des maladies professionnelles non déclarées est évalué entre 1,8 et 3,6 milliards d'euros par an, en lien surtout avec des affections périarticulaires et respiratoires, des cancers, des souffrances psychiques liées au travail (a)(3). À l'instar de l'Anses, cette commission souligne que l'actualisation des tableaux de maladies professionnelles est insuffisante, ce qui contribue à leur sous-reconnaissance (2,3).

Pour une juste reconnaissance et des soins de qualité pour les victimes des dégâts liés au travail, il apparaît crucial d'actualiser et homogénéiser les tableaux de maladies professionnelles.

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Notes

a- Pour compenser au moins partiellement cette dépense indue, la branche AT/MP opère un versement annuel à la branche maladie. Le montant de ce versement est fixé chaque année par la loi de financement de la Sécurité sociale sur la base des travaux de la commission chargée de l'évaluation du coût de la sous-déclaration (réf. 3).

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Le dispositif de reconnaissance en maladie professionnelle, en France" Rev Prescrire 2017 ; 37 (407) : 700.

2- Anses "Tableaux de maladies professionnelles nécessitant une mise à jour" mars 2024 : 160 pages.

3- Commission instituée par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale "Estimation du coût réel, pour la branche maladie, de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles" Rapport au Parlement et au Gouvernement, 30 juin 2024 : 180 pages.