Prix des nouveaux médicaments : l'impasse

Comment concilier l'accès aux nouveaux médicaments très chers et l'équilibre des comptes de l'assurance maladie ? La recherche d'un profit maximal par les firmes pharmaceutiques rend cette équation de moins en moins possible.

Des médicaments hors de portée pour de très nombreux patients dans le monde

Depuis les années 2000, de nombreuses firmes pharmaceutiques ont délaissé les "blockbusters" pour les "nichebusters". Les "blockbusters" sont des médicaments sources de chiffres d'affaires très élevés car vendus en grandes quantités, alors que les "nichebusters" sont des médicaments vendus très chers pour peu de patients, surtout dans des maladies rares et des cancers (1).

En 2025, ce modèle d'affaires pose de sérieux problèmes de financement, y compris pour les pays riches comme la France. Ainsi deux médicaments pour des maladies rares figurent parmi les 5 médicaments dispensés en officine en 2023 qui ont occasionné les plus fortes dépenses à l'assurance maladie : Vyndaqel° (tafamidis) pour environ 11 000 patients atteints d'amylose à transthyrétine, et Kaftrio° (ivacaftor + tézacaftor + élexacaftor) pour environ 5 000 patients atteints de mucoviscidose. Ces médicaments coûtent entre 50 000 et 100 000 euros par patient et par an (2).

Par ailleurs certaines thérapies géniques, administrées une seule fois au patient, se chiffrent en millions d'euros. Les 10 médicaments les plus chers aux États-Unis d'Amérique sont des thérapies géniques qui coûtent entre 2,2 millions et 4,3 millions de dollars par patient et par an (3). Deux seulement sont commercialisés en France en avril 2025, Hemgenix° (étranacogène dézaparvovec), Zolgensma° (onasemnogène abéparvovec), à des prix publics proches des prix étatsuniens (3).

Ces prix sont très proches de ceux que des pays comme la France sont officiellement prêts à payer pour sauver une vie humaine, de l'ordre de 3 millions d'euros (4). Autrement dit, les firmes pharmaceutiques exploitent au maximum la disposition à payer des pays les plus riches.

Un problème éthique pour les États

Cette logique de prix extrêmes réduit de plus en plus la capacité du plus grand nombre de patients à accéder aux nouveaux traitements, ce qui pose problème quand ils apportent un réel progrès. Un même mouvement citoyen en Afrique du Sud, au Brésil, en Inde et en Ukraine demande que ces pays ne reconnaissent pas les brevets de Kaftrio°, hors de prix dans ces pays (5).

En Europe, la firme Bluebird Bio a renoncé à commercialiser Skysona° (élivaldogène autotemcel), vendu 3 millions de dollars aux États-Unis dans l'adrénoleucodystrophie cérébrale débutante, « en raison d'une politique de fixation des prix jugée trop hostile aux thérapies avancées » (6). C'est d'autant plus révoltant que ce médicament est issu d'une recherche menée par des équipes françaises avec le soutien du Téléthon (7).

Avec de tels prix, les firmes pharmaceutiques posent un problème éthique à tous les États : donner accès aux nouveaux médicaments hors de prix apportant peu ou pas de progrès peut capter de l'argent public qui aurait été plus efficacement utilisé dans d'autres domaines sanitaires (8).

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Gagnon MA "Prix des nouveaux médicaments : quelle logique ?" Rev Prescrire 2015 ; 35 (380) : 457-461.

2- Assurance maladie "Le bon traitement, ce n'est pas forcément un médicament" 14 novembre 2024 : 26 pages.

3- Maragkou I "The most expensive drugs in the US" Pharmaceutical technology 29 août 2024 : 11 pages.

4- Commissariat général à la stratégie et à la prospective "Éléments pour une révision de la valeur de la vie humaine" avril 2013 : 28 pages.

5- "Breaking : cystic fibrosis patients launch global challenge to Vertex monopoly on CF drugs" 23 février 2023. Site justtreatment.org consulté le 21 janvier 2025 : 8 pages.

6- "Bluebird Bio retire ses thérapies géniques du marché européen" 23 février 2023. Site justtreatment.org consulté le 21 janvier 2025 : 8 pages.

7- "Les Maladies rares exclues de l'innovation thérapeutique : Il est urgent d'agir face à l'inacceptable !" 21 février 2022. Site afm.telethon.fr consulté le 10 mars 2025 : 2 pages.

8- Naci H et coll. "Population-health impact of new drugs recommended by the National Institute for Health and Care Excellence in England during 2000–20 : a retrospective analysis" Lancet 2025 ; 405 : 50-60.