Nouveaux médicaments des cancers : mal évalués, peu efficaces et trop chers

Beaucoup de nouveaux médicaments des cancers sont vendus par les firmes à un prix exorbitant. Ce prix a-t-il un lien avec leur intérêt thérapeutique ou leur coût de recherche et développement (R&D) ?

Mal évalués et peu efficaces

Les lecteurs de Prescrire savent hélas que la plupart des médicaments des cancers mis sur le marché depuis les années 2000 sont mal évalués et que leur avantage thérapeutique, quand il existe, est le plus souvent modeste (lire aussi "L'année du médicament en bref ").

Plusieurs synthèses publiées en 2017 dans diverses revues internationales sont venues confirmer l'ampleur de ce phénomène en Europe, comme cela avait déjà été montré aux États-Unis d'Amérique (1à4).

Une étude a montré que pendant la période 2009-2013, sur les 68 indications dans le cancer autorisées par l'Agence européenne du médicament (EMA), 44 l'ont été sans preuve de bénéfice sur la durée de vie. Avec un recul d'au moins 3,3 ans après leur commercialisation, pour 36 indications autorisées, il n'y avait toujours pas de preuve d'un effet bénéfique sur la durée de vie ou la qualité de vie. Selon cette étude, et une autre portant sur la période 2009-2016, le gain de survie, quand il existait, était de moins de 3 mois pour la moitié des patients (1,3).

Extraordinairement chers pour la collectivité et lucratifs pour les firmes

Malgré le peu ou l'absence de progrès démontré pour les patients, les nouveaux médicaments des cancers sont vendus par les firmes à des prix de plus en plus élevés. Une étude a montré que le coût par année de vie gagnée a atteint 176 000 euros en 2016 en France (5).

Des auteurs étatsuniens ont estimé le coût de R&D de 10 médicaments des cancers à partir de données financières fournies par les firmes (6). Le coût de R&D de ces médicaments a été de 900 millions de dollars en moyenne par médicament, loin des 2,7 milliards allégués par une étude souvent citée. En quatre ans de commercialisation environ, la vente de ces médicaments a rapporté 7 fois plus aux 10 firmes concernées que n'a coûté leur R&D (6).

Médicaments hors de prix pour des bénéfices cliniques minimes, quand ils existent, cette évolution du marché ponctionne indûment les moyens financiers des systèmes de protection sociale, au détriment d'autres dépenses d'intérêt public. À plus ou moins long terme, cette évolution n'est sans doute pas dans l'intérêt des firmes : il s'agit en effet d'une spéculation financière que plus personne ne semble vouloir ou pouvoir contrôler.

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Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Davis C et coll. "Availability of evidence of benefits on overall survival and quality of life cancer drugs approved by European Medicines Agency : retrospective cohort study of drug approvals 2009-13" BMJ 2017 ; 359 : 13 pages.

2- Grössmann N et coll. "Five years of EMA-approved systemic cancer therapies for solid tumours - a comparison of two thresholds for meaningful clinical benefit" Eur J Cancer 2017 ; 82 : 66-71.

3- Grössmann N et Wild C "Between January 2009 and April 2016, 134 novel anticancer therapies were approved : what is the level of knowledge concerning the clinical benefit at the time of approval ?" ESMO Open 2017 ; 1 : 6 pages.

4- Prasad V "Do cancer drugs improve survival or quality of life ?" BMJ 2017 ; 359 : 2 pages.

5- Assurance maladie - caisse nationale "Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Propositions de l'Assurance Maladie pour 2018" 7 juillet 2017 : 206 pages.

6- Prasad V et Mailankody S "Research and development spending to bring a single cancer drug to market and revenues after approval" JAMA Intern Med 2017 ; 177 (11) : 1569-1575.