En France, en 2019, la volonté de favoriser la participation des patients et patientes dans la formation des étudiants et étudiantes en médecine, dans la théorie comme la pratique, a été inscrite dans la loi relative à l'organisation et la transformation du système de santé (a)(1). L'objectif affiché de cette mesure était de permettre « une meilleure compréhension des attentes et des besoins [NDLR : des patients et patientes] par les futurs professionnels de santé », et de leur donner une nouvelle place dans le système de santé en évolution, et ainsi contribuer à la construction de la démocratie sanitaire (2,3).
Fin 2023, le Ministère de la santé a publié un rapport sur la participation des patients et des patientes à la formation initiale des médecins. Ce rapport restitue les travaux des directions générales de l'organisation des soins et de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, en association avec d'autres instances, et s'appuie sur une revue de la littérature, des enquêtes et des auditions des acteurs impliqués (4).
Ces travaux permettent de faire un premier état des lieux, en France, de l'intégration des patients et des patientes dans la formation initiale des médecins.
Sorbonne Paris Nord : des précurseurs, en France
En 2016, l'UFR Santé médecine et biologie humaine de l'actuelle université Sorbonne Paris Nord a décidé de mettre en place un programme de patients-enseignants dans le cursus des études de médecine. Elle a été la première à le faire en France, en s'inspirant de modèles anglo-saxons instaurés au Canada ou en Australie par exemple (15).
Le département universitaire de médecine générale de cette université a souhaité orienter l'ensemble de sa formation autour du patient et de la prise en charge médicopsychosociale. C'est dans cette optique qu'une quinzaine de patients-enseignants ont été recrutés, en tant qu'enseignants vacataires du diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale. Selon un premier bilan du programme publié en 2017, ces patients-enseignants sont intervenus 300 heures au cours de la première année, au sein de groupes d'enseignements à la pratique réflexive entre internes (Gepri), en binôme avec des médecins généralistes enseignants. Ils ont été recrutés après un entretien individuel, selon plusieurs critères dont : leur culture en santé, la bienveillance de leur posture vis-à-vis des étudiants et leur appartenance associative (témoignage de leur souci de l'intérêt général). D'autres critères, dont certaines compétences, étaient aussi attendus (15).
Selon le même bilan, tous les deux mois, les patients-enseignants se sont réunis dans un lieu neutre afin de mettre en place collectivement leurs objectifs pédagogiques et procéder à des partages d'expériences sur leur pratique. Leur projet pédagogique vise essentiellement l'amélioration des relations de soins, avec une attention portée au choix des mots employés, le rappel permanent des droits du patient (à un second avis, au refus de soins, au secret médical, etc.). Il porte aussi sur la valorisation du médecin généraliste en tant que repère dans le suivi des patients (15).
Forte de cette expérience, au début des années 2020, l'université Sorbonne Paris Nord a mis en place le programme Expame (Expérience patient-mentor) auprès des étudiants d'autres filières des métiers de santé (pharmacie, odontologie, kinésithérapie, soins infirmiers). Répartis en groupes de très petits effectifs, les étudiants en dernière année de formation ont la possibilité d'échanger avec un "patient-mentor" des informations générales en santé, autour des pratiques et des parcours de soins, et des enjeux précis comme la circulation des informations en santé (4,11). L'objectif du programme Expame est de faire évoluer les représentations des professionnels de santé vis-à-vis des patients, et aussi d'encourager le travail pluriprofessionnel. Les retours des étudiants, qui sont volontaires, sur ce programme ont montré une prise de conscience de leurs préjugés et une meilleure approche du patient (4,16).
Rennes : un programme pédagogique structuré autour de groupes d'échanges de pratiques
Au sein de l'UFR de médecine de Rennes, des enseignants ont décidé, par le biais d'un groupe de travail s'appuyant sur les expériences à l'étranger et sur la littérature scientifique, de développer un partenariat avec des patients au sein de l'université. Ce projet visait à mettre en place des groupes d'échanges de pratiques, et par là-même à mobiliser une communauté de médecins et de patients-enseignants, mais aussi de sensibiliser étudiants, enseignants et patients à cette démarche. Les 5 patients-enseignants du groupe initial étaient issus essentiellement d'associations de patients (17).
En 2019, une équipe de l'université de Rennes 1 a cherché à évaluer localement les pratiques, réticences et attentes des médecins enseignants vis-à-vis des patients-enseignants. Parmi les 128 enseignants (sur les 565 universitaires ou praticiens hospitaliers interrogés) ayant répondu au questionnaire, environ un quart incluait des patients partenaires dans leurs cours. Quatre médecins construisaient l'enseignement avec eux. Aucun répondant n'a considéré que le patient n'avait pas sa place dans l'enseignement (17). En 2020, les groupes d'échanges de pratiques ont été évalués, montrant une bonne acceptation par les étudiants des patients partenaires. Au départ perçus comme extérieurs au groupe, les patients partenaires étaient considérés comme des membres à part entière à la fin de la session (18).
En 2023, l'intégration des patients dans les enseignements à destination des étudiants en médecine à Rennes 1 a évolué pour apparaître dans tous les cycles de formation : au cours du premier cycle, lors de la semaine de sensibilisation au handicap, puis dans le cadre de l'unité d'enseignement (UE) "santé-société-humanité : démocratie en santé" ; au cours du deuxième cycle, dans l'UE "santé publique : précarité, sécurité des soins", l'UE "médecine générale : relation médecin patient", et en cinquième année au sein de 5 UE optionnelles ; au cours du diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale, au sein de groupes d'échanges de pratique ; lors de groupes d'échange de pratique et d'"Examens cliniques objectifs et structurés : annonce, entretien, éducation" (4).
En Bretagne, la structure régionale d'appui Capps (Coopération pour l'amélioration des pratiques professionnelles en santé) a mené un travail en collaboration avec les universités de Rennes et de Brest pour les aider à développer le partenariat patient lors des enseignements auprès des étudiants en médecine (d). En parallèle, le Capps Bretagne intervient dans une formation universitaire au partenariat destinée aux patients et aux enseignants (4). Ce DIU (diplôme interuniversitaire) "Construire le partenariat patients-professionnels de santé" s'adresse à « toutes [les] personnes concernées par l'amélioration des pratiques et des organisations de la santé : patients, personnes en situation de handicap, aidants, professionnels de santé, membres d'institution » (19).
En juillet 2023, un département du partenariat patient dans l'enseignement et la recherche a été créé au sein de l'UFR de sciences médicales de Rennes. Les missions de ce département sont de former et accompagner les enseignants universitaires, les patients partenaires et les étudiants au développement du partenariat durant les études en santé, mais aussi de structurer l'intégration des patients partenaires au sein de l'université et des autres institutions (20).