Intelligence(s)

Le progrès technique a multiplié les outils, les instruments, les machines, les logiciels, les robots. Et l'accélération de la collecte et du traitement de données a conduit à développer des outils d'intelligence dite artificielle, avec tout un cortège de progrès, de déceptions ou d'illusions. Y compris dans le domaine des soins.

Les champs théoriques et pratiques que recouvre le concept d'intelligence artificielle sont larges, difficiles à appréhender. On peut néanmoins constater qu'il est des tâches qu'un ordinateur fait sans conteste mieux qu'un humain, notamment le traitement statistique complexe de quantités importantes de données. Par exemple, les capacités de l'intelligence artificielle semblent particulièrement adaptées pour orienter ou proposer des diagnostics à partir d'images médicales (lire n° 427 p. 393-395). Dans ce domaine particulier, certains outils utilisant l'intelligence artificielle semblent déjà plus performants que des yeux et des cerveaux de médecins.

Cependant, l'approche diagnostique ne se limite pas à l'interprétation d'images. Établir un diagnostic pour définir une stratégie de soins est un acte intellectuel complexe dont la "justesse" est liée à la connaissance des causes possibles d'un trouble et à l'estimation de leurs probabilités respectives. Et plus encore à la connaissance que l'on a de la personne à soigner, de son entourage, de son contexte de vie. C'est un acte intellectuel où prévaut l'intelligence relationnelle, nécessaire à la qualité du recueil d'informations lors de l'entretien puis à leur analyse critique. Des études chez des patients hospitalisés ont démontré que l'entretien permet à lui seul d'établir un diagnostic correct dans la majorité des cas (lire par exemple le n° 405 p. 529-530).

La pertinence d'un diagnostic dépend aussi de l'intelligence clinique avec laquelle est mené l'examen physique quand l'entretien a laissé trop d'incertitudes. Cette intelligence clinique guide la recherche d'informations dont la capacité discriminante est suffisante pour retenir ou écarter un diagnostic à bon escient, dans le cadre d'un examen physique respectueux. Souvent sans imagerie ni intelligence artificielle.

Reste alors à ajouter une bonne dose d'intelligence décisionnelle pour appliquer, et si besoin faire évoluer, la stratégie thérapeutique la mieux adaptée à chaque patient.

Pour soigner au mieux les patients, allions les intelligences.

Prescrire