Fluoroquinolones : encore trop de prescriptions injustifiées et dangereuses

Depuis les années 1990, le profil des effets indésirables des fluoroquinolones s'est progressivement alourdi. En 2019, à la suite d'une réévaluation européenne, l'information contenue dans les résumés des caractéristiques (RCP) des fluoroquinolones sur leurs effets indésirables persistant après l'arrêt du traitement a été renforcée, et leurs indications restreintes (1).

En France, outre le déremboursement d'une partie des fluoroquinolones commercialisées ou de certaines de leurs indications, des lettres d'information ont été adressées aux professionnels de santé, des messages d'alerte inclus dans des logiciels de prescription et de dispensation, et une alerte à destination des patients apposée sur les boîtes de médicaments. Toutefois, malgré une baisse de moitié de leur utilisation depuis 2014 en dehors de l'hôpital, la consommation de fluoroquinolones par voie orale reste trop élevée en France : 2,2 millions de dispensations pour 1,7 million d'utilisateurs en 2023 (2).

De nombreux effets indésirables graves, invalidants, parfois irréversibles

Les fluoroquinolones exposent à de nombreux effets indésirables graves, notamment : tendinopathies avec ruptures tendineuses, y compris en dose unique ou par voie auriculaire ; troubles musculosquelettiques invalidants et persistants après l'arrêt du traitement ; anévrismes aortiques, décollements de la rétine ; neuropathies périphériques invalidantes et potentiellement irréversibles ; hallucinations, tentatives de suicide, convulsions, hypertensions intracrâniennes ; allongements de l'intervalle QT de l'électrocardiogramme et torsades de pointes, syncopes et morts subites, en particulier avec la moxifloxacine (Izilox° ou autre) (2à4).

Encore trop de prescriptions hors AMM et non conformes aux recommandations

Une étude portant sur l'utilisation des fluoroquinolones orales en France a été menée à partir des données de remboursement de l'Assurance maladie. Entre 2014 et 2023, le nombre de prescripteurs de fluoroquinolones en ville a diminué environ de moitié. Les principaux prescripteurs de fluoroquinolones (médecins généralistes, urologues, gynécologues, pneumologues) ont davantage que les autres suivi les mesures visant à en limiter l'utilisation. Alors que d'autres prescripteurs, notamment des ophtalmologues et ORL, malgré une baisse globale de leurs prescriptions, ont continué d'utiliser des fluoroquinolones pour le traitement d'infections courantes en dehors des indications de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) (2).

Un bilan des cas d'effets indésirables graves liés aux fluoroquinolones, rapportés au système public français de pharmacovigilance entre 2017 et 2023, confirme qu'un nombre non négligeable de cas étaient liés à des utilisations hors AMM et hors recommandations des autorités de santé ou de sociétés savantes (4).

Faire évoluer les pratiques professionnelles

Divers pays européens ont aussi mis en place des actions pour limiter l'utilisation des fluoroquinolones, par exemple : restriction de remboursement en Belgique et mesures de minimisation des risques au Royaume-Uni, qui ont conduit à une diminution immédiate de leur consommation (2).

En France, faudra-t-il encore de nouvelles mesures visant à réduire l'utilisation des fluoroquinolones ?

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Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Fluoroquinolones : cibler de plus en plus leur utilisation" Rev Prescrire 2019 ; 39 (427) : 343-344.

2- Saade D et coll. "Utilisation des fluoroquinolones à usage systémique en France entre 2014 et 2023. Étude nationale réalisée à partir des données du SNDS" EPI-PHARE, janvier 2025 : 59 pages.

3- Prescrire Rédaction "Fluoroquinolones" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2025.

4- "Rapport d'expertise de pharmacovigilance relative aux fluoroquinolones" Centres régionaux de pharmacovigilance de Paris Pitié-Salpêtrière et de Marseille, octobre 2024 : 73 pages.