Résidus de médicaments dans l'eau : les firmes marchandent sur la dépollution

Parmi diverses directives européennes concernant la pollution des eaux, la révision de celle « relative au traitement des eaux résiduaires urbaines » est entrée en vigueur début 2025 (1). Les firmes pharmaceutiques cherchent à échapper aux obligations qui leur incombent.

Une logique pollueur-payeur

La directive 2024/3019 du 27 novembre 2024 introduit de nombreuses obligations concernant les collectivités locales et certaines industries. À divers horizons s'étalant entre 2025 et 2045, elle prévoit la généralisation des différents niveaux de traitement dans les stations d'épuration : primaire, pour réduire les matières solides en suspension ; secondaire, pour réduire les matières organiques ; tertiaire, pour réduire les quantités de phosphore et d'azote (entraînant un déséquilibre de l'écosystème aquatique) ; quaternaire, pour réduire la quantité de micropolluants (1,2).

La Commission européenne a estimé que les médicaments étaient à l'origine de 59 % des micropolluants retrouvés dans les eaux résiduaires (via leur excrétion dans les urines et les selles), et les produits cosmétiques de 14 % (3). La directive prévoit que ces deux secteurs industriels financent 80 % des activités visant à éliminer les micropolluants de l'eau, pour un coût estimé à 1,2 milliard d'euros par an pour l'ensemble des États membres ; les 20 % restants devant être financés par le secteur public ou des taxes sur l'eau (1,3).

Les stations d'épuration concernées par l'obligation de réduire la quantité de micropolluants sont principalement celles qui traitent les eaux usées d'une population de plus de 150 000 habitants : elles devront être opérationnelles en 2045 (1). En France, elles représentent moins de 1 % des stations d'épuration (4).

Les firmes pharmaceutiques portent plainte

Les représentants des firmes pharmaceutiques ont annoncé en mars 2025 porter plainte devant le Tribunal de l'Union européenne (5,6). Les firmes estiment que la directive irait à l'encontre des principes européens pollueur-payeur, de proportionnalité et de non-discrimination en ciblant seulement deux secteurs industriels, et que la Commission aurait considérablement sous-estimé les coûts du traitement pour les firmes (6).

Au vu du tournant pris par la Commission européenne début 2025 pour alléger les mesures du Pacte vert en faveur des entreprises européennes, on imagine que cela a pu donner des idées aux firmes pharmaceutiques (7). La balle est dans le camp de la justice européenne.

D'ici une éventuelle réécriture de la directive, les stations d'épuration continueront de relarguer des résidus de médicaments dans l'eau.

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- "Directive 2024/3019 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2024 relative au traitement des eaux résiduaires urbaines (…)" : 59 pages.

2- Laperche D "Eaux résiduaires urbaines : le dernier acte de la révision de la directive est attendu cet automne" 9 septembre 2024. Site www.actu-environnement.com consulté le 11 mars 2025 : 8 pages.

3- European Commission "Commission staff working document impact assessment (…) concerning urban wastewater treatment (recast)" 26 octobre 2022 : 160 pages.

4- Commissariat général au développement durable "L'assainissement collectif des eaux usées" 24 mai 2019. Site www.notre-environnement.gouv.fr consulté le 11 mars 2025 : 10 pages.

5- "Efpia seeks clarity on urban wastewater treatment Directive in the European courts" 3 mars 2025 : 3 pages.

6- "Medicines for Europe supports legal action against provisions in the Urban Wastewater Treatment Directive (Uwwtd), which puts access to medicines at risk" 10 mars 2025 : 3 pages.

7- ""Stop the clock" : comment la révision omnibus du Green Deal pourrait s'accélérer au niveau européen" 13 mars 2025. Site www.novethic.fr consulté le 18 mars 2025 : 4 pages.