Dans de nombreux domaines tels que l'aéronautique ou la mécanique, la précision d'une mesure, d'une réalisation, est indispensable. C'est aussi le cas dans certains domaines de la médecine tels que l'anatomopathologie ou la biologie. Par exemple, il importe d'avoir une description précise de la structure tissulaire d'un prélèvement tumoral quand de cette précision dépendent des choix thérapeutiques. Et on sait l'intérêt de déterminer avec précision une kaliémie.
Cependant, dans le domaine médical en général et dans celui des soins en particulier, on ne dispose pas toujours de mesures précises.
Connaît-on avec précision la mortalité mondiale liée à la maladie covid-19 ? Connaît-on avec précision le nombre d'années de vie épargnées grâce à un traitement hypotenseur ? Le nombre de morts subites d'origine médicamenteuse survenues en telle ou telle année ? Le nombre de diagnostics d'appendicite faits à bon escient avec tel ou tel score clinique ? Celui des cancers liés à une exposition aux pesticides ? Non. Mais on dispose souvent d'estimations fondées sur des relevés épidémiologiques, des méta-analyses d'essais cliniques, des études d'évaluation des performances diagnostiques, etc.
Parmi ces estimations, certaines sont très approximatives. C'est ce qu'exprime une très grande largeur de fourchette entourant la valeur moyenne rapportée. Et parfois, des estimations sont avancées sans préciser la marge d'incertitude (lire aussi "Signes d'atteinte radiculaire par hernie discale en cas de lombosciatique récente
").
Cependant, malgré leur imprécision, de nombreuses estimations suffisent souvent à obtenir un ordre de grandeur de la valeur recherchée. Ordre de grandeur qui suffit en général pour jauger la balance bénéfices-risques d'une intervention et prendre des décisions de santé publique ou de soins du quotidien. Car en effet, dire qu'une maladie tue environ 1 % à 10 % des patients atteints, ce n'est vraiment pas la même chose que de dire qu'elle en tue environ 60 % à 80 %. Dire d'un traitement qu'il évite une mort chez environ 15 à 50 patients traités pendant un an, c'est manifestement très différent que de dire qu'il en évite une chez 200 à 600 patients traités. Dire que la présence d'un signe clinique multiplie les chances de bon diagnostic par environ 20 à 40, c'est aussi très différent que de dire qu'il les multiplie par 2 à 4.
Disposer de données imprécises est plus utile que manquer totalement de données. Et regarder les chiffres plus comme des ordres de grandeur que des valeurs certaines aide à construire avec recul de nombreuses décisions pour la santé.