Réduire ou arrêter l'utilisation de médicaments inutiles, voire délétères, vise à "ne pas nuire". Ce n'est pas une préoccupation nouvelle, comme l'atteste cette citation de Philippe Pinel, médecin aliéniste au 18e siècle : « (…) dans la manie, comme dans beaucoup d'autres maladies, s'il y a un art de bien administrer le médicament, il y a un art encore plus grand de savoir quelquefois s'en passer ». Ces dernières années, les termes "déprescrire" et "déprescription" sont devenus de plus en plus utilisés. Mais déprescrire n'est pas simple.
Dans certaines situations, il est souhaitable de ne pas prescrire un médicament. C'est le cas quand cela évite d'exposer les patients à des risques qui pèsent trop lourd par rapport à des bénéfices prévisibles très minces, voire très incertains. C'est assurément le cas des médicaments à écarter des soins, dont la liste est mise à jour chaque année par Prescrire depuis 10 ans (lire aussi "Pour mieux soigner, des médicaments à écarter : bilan 2022
"). Ne pas commencer à prescrire ces médicaments plus dangereux qu'utiles, c'est œuvrer dans l'intérêt des patients. Contribuer à les arrêter est aussi une démarche utile, même si elle se heurte aux réticences de patients qui ne ressentent pour l'instant aucun inconvénient à prendre ces traitements, et à celles de prescripteurs qui n'en perçoivent pas les risques.
De nombreux autres médicaments ont une balance bénéfices-risques favorable en traitements de courte durée, mais exposent à long terme à des effets indésirables disproportionnés par rapport aux bénéfices espérés. Pour guider une démarche de déprescription dans ces situations, le manque de données d'évaluation solides est criant. Afin d'entreprendre avec soin l'arrêt d'un traitement prolongé, quelques repères sont utiles pour accompagner les patients : lire par exemple "Arrêter un usage prolongé de tramadol
", ou encore "Durée et arrêt d'un traitement par dermocorticoïde" (numéro 442, p. 611-612) et "Arrêt d'un antidépresseur" (numéro 450, p. 288-290).
Comme l'acte de prescrire, celui de déprescrire un traitement n'est pas sans risque. La démarche est similaire : évaluer pour et avec chaque patient les probabilités de bénéfices et les probabilités d'effets nocifs de l'arrêt de ce traitement, et les mettre en balance avec ceux de le poursuivre. Puis parfois ne pas déprescrire, ou attendre un meilleur moment.
Dès sa prescription, il est déjà utile d'informer les patients sur la raison et la durée du traitement, ce qui amène souvent à parler de l'intérêt et du moment de le déprescrire.