L'épidémie de covid-19 a été à l'origine d'un grand nombre de changements de mode de vie. En 2020, en l'absence de traitement médicamenteux préventif ou curatif efficace contre le virus, "confinement", "distanciation", "gestes barrières" sont devenus des réalités du quotidien.
Cette épidémie a perturbé l'organisation des soins tant à l'hôpital qu'en premier recours. Les relations entre patients et soignants ont été bousculées. L'éventualité d'une présence virale a intercalé un surcroît de distance dans ces relations (lire aussi "Le masque et l'intime"). Jusqu'à se passer de l'examen physique, devenu temporairement impossible ou rétréci par l'écran de téléconsultations.
Cette évolution de la relation entre patients et soignants a conduit de fait à s'appuyer encore plus sur l'entretien (alias "interrogatoire") pour établir un diagnostic de présomption, pour faire des propositions, pour prendre des décisions. Ce contexte épidémique pousse à réfléchir à un meilleur usage de cet outil de communication et de recueil d'informations.
L'entretien est un outil diagnostique étonnamment puissant (lire "Examen clinique" n° 405 p. 529-530). Encore faut-il en connaître les limites, tant dans le registre des performances diagnostiques des symptômes et signes cliniques que dans celui du contexte d'utilisation, avec d'éventuelles difficultés de communication et de compréhension mutuelle à prendre en compte (retrouver dans l'Application Prescrire les synthèses de la rubrique "Signes à la loupe").
Ce contexte est une occasion à saisir pour réfléchir au temps consacré à l'écoute des patients. Et aussi au temps pour les entendre, pour les comprendre, pour discerner leurs attentes, pour décrypter leurs non-dits… Face-à-face ou à distance.
C'est aussi une occasion de faire tomber les barrières entre professionnels de santé, de percevoir avec clairvoyance que le "diagnostic" n'est pas réservé aux seuls médecins, surtout quand il s'agit de présomptions ou de probabilités (lire "Diagnostics" n° 431 p. 641). L'occasion de travailler ensemble à bien évaluer les performances de l'entretien dans des contextes nouveaux liés à la distance ou à des barrières physiques telles que les masques. Pour faire de l'entretien un outil commun de recueil efficace d'informations diagnostiques, de communication et de partage entre patients et professionnels de santé. Pour mieux cerner l'intérêt et les limites de l'examen physique et ceux des examens paracliniques. Et ainsi les utiliser à bon escient, au-delà des rituels ou des automatismes.
Et au-delà des paroles échangées, cultiver l'entretien pour peut-être aussi (ré)apprendre à mieux percevoir la détresse d'un visage à travers un écran ou le sourire des yeux au-dessus d'un masque.