À l'épreuve des preuves

Les patients et les soignants sont parfois dans une attente forte de disposer de traitements efficaces. C'est le cas de la dépendance à l'alcool, source d'une grande souffrance, tant chez les patients que dans leur entourage, et pour laquelle les options thérapeutiques disponibles sont souvent décevantes.

Au début des années 2000, de premiers essais sur quelques dizaines de patients suggèrent que le baclofène (un myorelaxant) aurait une certaine efficacité pour réduire la consommation d'alcool. En France, un témoignage fortement médiatisé a rapporté le contrôle d'une consommation d'alcool grâce au baclofène. Un espoir pour de nombreux patients qui sollicitent ce traitement. Quelques expérimentations empiriques montrent un effet favorable chez certains patients. Mais la balance bénéfices-risques est incertaine. Face à une demande forte de patients et de soignants, une recommandation temporaire d'utilisation (RTU) est octroyée pour encadrer l'utilisation hors autorisation de mise sur le marché du baclofène dans cette situation. En France, sur fonds publics, deux essais cliniques et une vaste étude pharmaco-épidémiologique sont lancés, afin d'évaluer l'efficacité et les effets indésirables des fortes doses utilisées de façon empirique.

Fin 2019, c'est la déception… Le plus souvent, le baclofène ne "guérit" pas. À faible dose, son efficacité est avérée, mais en moyenne modeste. Les protocoles évalués montrent que les doses élevées sont associées à plus d'hospitalisations et de morts, sans gain d'efficacité manifeste (lire aussi "Baclofène (Baclocur°) et alcoolodépendance"). En dépit des espoirs légitimes, cet exemple illustre, une fois de plus, qu'il est important de disposer d'une évaluation de bonne qualité des médicaments afin de quantifier leur efficacité et de connaître l'importance des risques pris, avant d'en généraliser l'utilisation hors de la recherche clinique.