Beaucoup de personnes souffrent de troubles psychiques à un moment ou à un autre de leur vie. Beaucoup de traitements et de prises en charge plus ou moins satisfaisants leur sont proposés, dont souvent des médicaments psychotropes. D'où beaucoup de questions auxquelles les patients et les professionnels qui en prennent soin sont confrontés.
Par exemple, faut-il un psychotrope, et lequel choisir selon la situation ? À quelle dose ? Pendant combien de temps ? Quelle efficacité en attendre ? Quels effets indésirables connaître et surveiller ? Quand et comment arrêter ou relayer le médicament ?
Les médicaments psychotropes sont utilisés depuis des décennies, qu'il s'agisse des psychostimulants, des neuroleptiques, des antidépresseurs, des tranquillisants, etc. De très nombreux essais cliniques ont été réalisés, grâce en particulier aux nombreux patients qui ont accepté d'y participer. On s'attendrait à disposer d'une masse de données probantes pour aider les patients.
Mais non. Quand on y regarde de près, par exemple pour les neuroleptiques (lire aussi "Épisode psychotique : choix d'un neuroleptique oral"), le compte n'y est pas. Les données sont nombreuses mais guère utiles en pratique de soins. On manque sérieusement d'éléments solides pour distinguer les substances selon leur efficacité. Les critères de jugement des essais ont le plus souvent été des scores sur des échelles symptomatiques standardisées, qui laissent beaucoup d'incertitudes, par exemple en termes d'insertion sociale ou de rétablissement à long terme. Les hypothèses liant efficacité et mécanismes d'action n'ont pas été confirmées dans la pratique clinique.
Dans ces conditions, faute de mieux, les décisions de soins sont prises en fonction des effets indésirables, dont la connaissance se construit lentement au fil des années ; et en fonction des expériences personnelles, avec toutes les limites et les biais que cela comporte, y compris l'influence plus ou moins marquante de tel ou tel leader d'opinion.
Les psychotropes ne sont certes pas le seul domaine médicamenteux où la recherche clinique piétine. Les firmes n'ont pas grand intérêt à la développer une fois obtenue l'autorisation de mise sur le marché, si bien qu'il serait contreproductif de leur demander plus dans ce domaine.
Pour servir l'intérêt général, les pouvoirs publics doivent mettre les patients, les professionnels qui les soignent et les chercheurs en situation de relancer une recherche clinique pertinente, pour obtenir des réponses pratiques vraiment utiles.