En janvier 2018, la Commission européenne a publié un projet de règlement très offensif vis-à-vis de l'activité d'évaluation des technologies de santé (médicaments et certains dispositifs médicaux), telle que réalisée par exemple en France par la Commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) (1). Pourquoi ?
Accélérer l'accès des firmes au marché
La Commission européenne propose de rendre obligatoire, via ce règlement, une évaluation commune à l'ensemble des agences d'évaluation des technologies de santé nationales, et d'interdire les réanalyses au niveau national (1).
Le commissaire européen concerné et certaines associations de patients justifient cette proposition par le fait que le travail des agences nationales entraînerait des retards inacceptables pour l'accès des patients à l'« innovation » et des inégalités entre patients d'un pays à l'autre (2,3).
Erreur d'analyse et vraie motivation
L'obstacle principal et grandissant à l'accès aux nouveaux médicaments n'est pas la lenteur des agences d'évaluation des technologies de santé, mais le prix exorbitant des médicaments demandé par les firmes.
Face au grand laxisme de l'Agence européenne du médicament (EMA) dans la procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM), certaines agences nationales d'évaluation des technologies de santé sont parfois les seuls acteurs officiels à publier des informations critiques sur les médicaments, permettant de limiter l'exposition à des médicaments plus dangereux qu'utiles. Neutraliser ces agences s'intègre dans la stratégie de ceux qui rêvent d'un accès sans entrave à l'« innovation » quel que soit son intérêt sanitaire…
Exiger des essais comparatifs
Les "lenteurs" des agences nationales d'évaluation des technologies de santé tiennent avant tout à la piètre qualité de l'évaluation des nouveaux médicaments, rendant difficile la détermination de leur valeur thérapeutique ajoutée. Pour faciliter l'accès aux progrès thérapeutiques, le règlement européen pourrait améliorer le service aux patients : en demandant aux firmes de fournir aux agences d'évaluation des technologies de santé les données comparatives dont celles-ci ont besoin, et cela dès le dépôt du dossier de demande d'AMM.
Les députés européens auront à se prononcer à l'automne 2018 sur ce projet de règlement. Ils ont le pouvoir de le rendre vraiment utile aux patients en incitant les firmes à davantage chercher des progrès thérapeutiques tangibles, et non à accéder encore plus vite et plus facilement au marché.