Les firmes pharmaceutiques ont une intense activité de contentieux contre les autorités administratives (ministères, Agence française du médicament (ANSM), assurance maladie, etc.), pour s'opposer à des décisions sur les prix, les remboursements, ou les retraits du marché de médicaments. Le Conseil d'État est l'autorité suprême des juridictions administratives.
Le Conseil d'État contribue à faire respecter la légalité des actes administratifs et à sanctionner les excès de pouvoir des autorités face aux administrés, ce qui est indispensable dans un État de droit. Mais les décisions du Conseil d'État n'en sont pas pour autant au-dessus de toute critique.
Ainsi le Conseil d'État a estimé que l'ANSM a commis une « erreur manifeste d'appréciation » en retirant l'AMM de Ketum° à base de kétoprofène en gel, « en l'absence d'indices sérieux et concluants d'un risque grave pour la santé publique ». Le Conseil d'État a annulé le déremboursement de Derinox° (naphazoline + prednisolone), un médicament à balance bénéfices-risques défavorable, en considérant notamment que les ventes de « ce médicament représentent une part significative du chiffre d'affaires total de la société Therabel Lucien Pharma ». Le Conseil d'État a repoussé de 6 mois le déremboursement de l'olmésartan, en avançant notamment « la rareté du risque d'entéropathie associé au traitement ».
Dans ces trois cas, le Conseil d'État a privilégié les intérêts d'une firme contre ceux de la santé publique et des patients.
Plus généralement, la menace d'un recours auprès du Conseil d'État pèse sur les autorités et semble parfois ralentir voire empêcher leurs décisions. En cela, le Conseil d'État semble utilisé par les firmes comme un outil d'intimidation.
©Prescrire 1er novembre 2017
"Conseil d'État : un arbitre influent dans le domaine du médicament" Rev Prescrire 2017 ; 37 (409) : 857-863. (pdf, réservé aux abonnés)