Le désastre Mediator° a donné l’occasion en France, en 2010 et 2011, à de nombreux débats sur les médicaments, leur évaluation par les agences du médicament, leur promotion par les firmes, leur prescription par les médecins, leur utilisation par les patients, etc.
De nombreux rapports, notamment parlementaires, ont été publiés, des Assises du médicament ont été tenues, l’agence française du médicament a été restructurée. Et, en décembre 2011, une nouvelle loi sur le médicament a été adoptée. Cette loi pourrait notamment permettre des progrès en termes de gestion des conflits d’intérêts des experts. Cependant tous ses décrets d’application n’ont pas été publiés par le précédent gouvernement.
Dans le cadre du décret "sunshine", de manière pragmatique, la transparence totale sur les cadeaux ou avantages offerts aux soignants par les firmes de produits de santé s’impose afin que les patients puissent reprendre confiance en toute connaissance de cause.
Alors qu’un groupe de travail vient d’être chargé de faire évoluer ce projet de décret pour permettre une publication « réaliste » des cadeaux offerts par les firmes (1), le Collectif Europe et Médicament soutient que la transparence doit être au "premier euro" :
- aucun cadeau d’une firme à un soignant ne doit être considéré comme "normal" ou "acceptable" (a) : déclarer au premier euro serait un symbole fort de changement, alors que la création d’un seuil minimal des cadeaux à déclarer sous couvert d’un prétendu réalisme serait un symbole de laxisme et d’une approche sous influence industrielle ;
- des études de sciences humaines montrent que, de manière contre-intuitive, l’influence des cadeaux sur les personnes qui les acceptent (reconnaissance, besoin de "rendre" de la part de celui qui les reçoit) est parfois plus importante quand leur montant est faible (2) ;
- avec une déclaration au premier euro, les firmes seraient dans une position plus facile pour refuser tout cadeau aux soignants qui leur en demandent, sans marchander sur leur montant ;
- la détermination d’un seuil minimal supérieur à un euro des cadeaux à déclarer faciliterait les détournements de la loi, par fractionnement du montant réel du cadeau ;
- les "cadeaux" des firmes sont in fine payés par les patients et les systèmes de protection sociale, qui ont mieux à faire.
Le Collectif Europe et Médicament demande que le décret d’application soit l’occasion d’un changement d’habitude en termes de cadeaux des firmes aux soignants, dans l’intérêt des patients et de l’argent collectif.
Les cadeaux et autres avantages procurés par les firmes aux soignants doivent faire l’objet d’une déclaration au premier euro, et doivent être consultables bénéficiaire par bénéficiaire, sur un site internet unique publiquement accessible.
©Le Collectif Europe et Médicament 1er septembre 2012
Prescrire est membre fondateur du Collectif Europe et Médicament
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Note :
a- Il est démontré qu’après avoir accepté un "petit cadeau" une première fois, en accepter d’autres devient plus facile. Offrir un cadeau engendre un climat de proximité et de confiance. Il est alors plus facile de demander une première petite faveur, quelques minutes d’attention par exemple. D’autres faveurs plus importantes peuvent être ensuite demandées, sans que la personne n’ose refuser. C’est la technique du "pied dans la porte" (réf. 2).
Références :
1- "Transparence en matière de promotion des produits de santé "Sunshine act"". Vers une obligation de publication réaliste et efficace" Communiqué de presse du ministère des affaires sociales et de la santé du 31 juillet 2012 : 1 page.
2- Prescrire Rédaction "Petits cadeaux : des influences souvent inconscientes, mais réelles" Rev Prescrire 2011 ; 31 (335) : 694-696. > Pdf, réservé aux abonnés
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