Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes de l'angiotensine II (alias sartans) sont des médicaments à visée cardiovasculaire pris en routine par de très nombreux patients, notamment des patients hypertendus ou insuffisants cardiaques. Certains IEC ont une efficacité démontrée pour réduire la mortalité et la fréquence d'évènements cardiovasculaires. Parmi leurs multiples actions pharmacologiques, les IEC et les sartans augmenteraient l'expression des récepteurs de l'angiotensine II à la surface des cellules. Or, ces récepteurs sont impliqués dans l'entrée du virus Sars-CoV-2 dans diverses cellules. D'où l'hypothèse, évoquée au début de la pandémie, que la prise d'un IEC ou d'un sartan soit un facteur de risque de formes graves de covid-19.
Au 11 mai 2020, notre veille documentaire a recensé quatre études rétrospectives publiées qui ont évalué le risque de formes graves de covid-19 (ou de mort liée au covid-19) associé à la prise d'un IEC ou d'un sartan chez des patients hospitalisés, dans divers pays d'Asie, d'Amérique du Nord et d'Europe. Ces études, méthodologiquement correctes, ont inclus 17 110 patients atteints de covid-19 (plus de 12 000 atteints d’une forme grave), dont 6 409 patients étaient hypertendus. Ils étaient le plus souvent des hommes, et âgés de plus de 65 ans. Au total, dans ces études, 1 191 patients sont morts. Plus de 2 000 patients inclus dans ces études prenaient un IEC ou un sartan.
Dans ces quatre études, l'analyse statistique a pris en compte divers facteurs de confusion, tels que la présence d'une affection coronaire, d'une insuffisance cardiaque, d'un diabète, d'une insuffisance rénale, d'un surpoids ou d'une obésité. Après prise en compte de ces facteurs, un traitement par IEC ou par sartan n'a pas semblé associé à une augmentation du risque de formes graves de covid-19 ou de mort. Dans une seule de ces études, une moindre mortalité liée au covid-19 a été constatée chez les patients qui prenaient un IEC mais pas chez ceux prenant un sartan.
En somme, mi-mai 2020, au terme d'études rétrospectives chez environ 17 000 patients, il n'a pas été constaté d'augmentation du risque de formes graves de covid-19 en cas d'exposition à un IEC ou à un sartan. En pratique, quand un IEC ou un sartan est un choix effectivement adapté à la situation d'un patient, il n’y a pas de raison solide pour l'arrêter dans le contexte d'épidémie de covid-19.
©Prescrire 11 mai 2020
Sources :
- Zhang P et coll. "Association of Inpatient Use of Angiotensin Converting Enzyme Inhibitors and Angiotensin II Receptor Blockers with Mortality Among Patients With Hypertension Hospitalized With COVID-19" Circ Res 17 avr 2020 ; (en ligne) : 31 pages > ICI
- Mehra MR et coll. "Cardiovascular Disease, Drug Therapy, and Mortality in Covid-19" N Engl J Med 1er mai 2020 (en ligne) : 8 pages (article rétracté le 4 juin 2020) > ICI
- Li J et coll. "Association of Renin-Angiotensin System Inhibitors With Severity or Risk of Death in Patients With Hypertension Hospitalized for Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Infection in Wuhan, China" JAMA Cardiol 23 avr 2020 (en ligne) : 6 pages > ICI
- Reynolds HR et coll. "Renin-Angiotensin-Aldosterone System Inhibitors and Risk of Covid-19" N Engl J Med 1er mai 2020 (en ligne) : 8 pages > ICI
Pour aller plus loin :
- "Hypertension artérielle essentielle chez un adulte : premiers traitements" (Premiers Choix Prescrire, actualisation mai 2020)
- "Insuffisance cardiaque chronique" Premiers Choix Prescrire, (actualisation avril 2020)
- "Poussée hypertensive chez un adulte" (Premiers Choix Prescrire, actualisation mars 2020)
- "Inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), et antagonistes de l'angiotensine II, alias sartans" (Interactions Médicamenteuses Prescrire 2020)
Précision :
En raison de l'absence d'accès aux données brutes analysées, les auteurs de la publication des résultats d'une de ces études portant sur 8 910 patients ont demandé la rétractation de leur article (Mehra MR et coll. N Engl J Med du 1er mai 2020). Par conséquent, ces données ne peuvent plus être considérées comme contributives à l'analyse des risques de la prise d'un IEC ou un sartan en cas de covid-19. Cela ne change pas la conclusion générale, mais réduit la solidité de la connaissance à ce sujet.
©Prescrire 8 juin 2020
Sources : "Retraction: Cardiovascular Disease, Drug Therapy, and Mortality in Covid-19" nejm.org 4 juin 2020 > ICI |
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