Autorisée en traitement par voie orale chez certains patients adultes atteints d'une maladie covid-19 symptomatique à risque de forme grave, l'association nirmatrelvir + ritonavir (Paxlovid°) expose à de multiples interactions médicamenteuses, notamment par des mécanismes parfois contradictoires d'induction et d'inhibition enzymatiques. Comment gérer ces risques d'interactions ? Des éléments de réponse, entre autres une démarche générale et des fiches techniques, sont dans Prescrire.
En France, l'association nirmatrelvir + ritonavir (Paxlovid°) est autorisée en traitement par voie orale chez certains patients adultes atteints d'une maladie covid-19 symptomatique depuis 5 jours maximum, ayant au moins un facteur de risque de forme grave. Le profil d'effets indésirables du ritonavir est connu et chargé. Celui du nirmatrelvir est très peu étudié à ce jour. Cette association expose à de multiples interactions médicamenteuses, principalement d'ordre pharmacocinétique, par des mécanismes parfois contradictoires d'induction et d'inhibition enzymatiques. Face à ces risques pouvant conduire à des effets indésirables graves ou à une perte d’efficacité d’un traitement, y compris celui de la maladie covid-19, des mises en garde ont été faites contre l'emploi simultané de l'association nirmatrelvir + ritonavir et de plusieurs dizaines de médicaments très variés, notamment par les Agences du médicament.
Comment gérer en pratique ces risques d'interactions ? Des points de repère sont présents dans l'espace Interactions Médicamenteuses de l'Application Prescrire. En voici quelques-uns.
Sur mesure et au cas par cas. De façon générale, face à une possible interaction médicamenteuse, il y a peu de certitudes. Les données d'évaluation clinique comparative sont quasi absentes. Les mesures à prendre dépendent du bénéfice prévisible d'associer les médicaments envisagés, de la fréquence et de la gravité des effets indésirables auxquels l'interaction expose, et de facteurs liés au patient ou à son entourage. Certains risques sont acceptables si le patient, son entourage et les soignants sont en mesure d'assurer une surveillance efficace, et d'agir dès les premiers signes cliniques ou paracliniques. Quand ce n'est pas le cas, cela doit être pris en compte en adaptant le traitement pour réduire les risques.
Envisager les conséquences cliniques de l'interaction médicamenteuse. Selon le type d'interaction, les conséquences sont soit un excès d'effets dose-dépendants, à la fois des effets thérapeutiques et des effets indésirables ; soit une diminution des effets, avec une éventuelle perte d'efficacité du traitement. L'arrêt d'un médicament impliqué dans une interaction expose aussi à des conséquences cliniques.
Différentes options selon l'intérêt des traitements. Dans certains cas, il est judicieux de ne pas déséquilibrer un traitement en cours particulièrement utile, en choisissant de ne pas ajouter de nouveau médicament, ou en choisissant une autre option thérapeutique non impliquée dans l'interaction médicamenteuse.
Dans d'autres cas, une association à risque est acceptable étant donné l'intérêt clinique de chacune des substances, à condition de pouvoir en maîtriser les conséquences, notamment par une surveillance clinique ou biologique, en particulier pour les médicaments à marge thérapeutique étroite. La durée de la période à risque d'interaction dépend de différents facteurs, tels que le mécanisme de l'interaction et les substances en cause, notamment leur demi-vie d'élimination plasmatique.
Parfois, le meilleur choix est de suspendre temporairement la prise d’un médicament d'intérêt mineur par rapport à l'intérêt du médicament qu'on ajoute.
Inciter les patients à la vigilance. La gestion des conséquences cliniques d'une interaction médicamenteuse passe aussi par l'information des patients, le dialogue avec eux et une incitation à leur vigilance, en particulier sur les signes d'alerte qui peuvent évoquer une surdose ou un manque d'efficacité.
Perte d'efficacité antivirale en présence d'inducteur enzymatique. L'efficacité antivirale du nirmatrelvir est potentialisée par la prise simultanée de ritonavir, un inhibiteur puissant de l'isoenzyme CYP 3A4 du cytochrome P450 qui augmente et prolonge la présence du nirmatrelvir dans le sang. Cet effet potentialisateur est réduit, avec risque de réduction de l'efficacité antivirale, par les médicaments inducteurs enzymatiques, dont une liste détaillée se trouve dans l'espace Interactions Médicamenteuses de l'Application Prescrire.
D'autre part, in vitro, le nirmatrelvir paraît inducteur des isoenzymes CYP 2B6 et CYP 2C8. Des perturbations des effets des médicaments métabolisés par ces isoenzymes (dits substrats de ces isoenzymes) sont probables. L'induction enzymatique peut mettre 2 à 3 semaines à se développer totalement, avec persistance de l'induction enzymatique à l'arrêt de l'inducteur enzymatique pendant une durée similaire. D'éventuelles conséquences cliniques décalées dans le temps sont à envisager dans le cadre d'un traitement pendant 5 jours avec le nirmatrelvir.
Surdose de nirmatrelvir en cas d'insuffisance rénale. Le nirmatrelvir, quand il est associé avec le ritonavir, est éliminé principalement par voie rénale. Une surdose de nirmatrelvir, dont les conséquences sont très mal connues, est à prévoir en présence de médicaments exposant à une insuffisance rénale, dont une liste est détaillée dans la fiche "Rein et médicaments" d'Interactions Médicamenteuses de l'Application Prescrire.
Interactions liées au ritonavir. Le ritonavir est un inhibiteur puissant de l'isoenzyme CYP 3A4. Par cette action, il expose à une surdose de très nombreux médicaments métabolisés par cette isoenzyme, dont une liste détaillée de ces médicaments substrats se trouve dans l'espace Interactions Médicamenteuses de l'Application Prescrire (puis cliquer sur "+" pour obtenir la liste des médicaments concernés). Certains médicaments sont actifs seulement après métabolisation par cette isoenzyme, d'où un risque de diminution de l'efficacité de ces promédicaments en cas d'association avec le ritonavir. Le ritonavir est aussi un inhibiteur des isoenzymes CYP 2D6, 2C9 et 2E1. Le ritonavir est par ailleurs à la fois substrat et inhibiteur de la glycoprotéine P, un transporteur membranaire impliqué dans l'élimination rénale et hépatique de divers médicaments. Plus généralement, les interactions auxquelles expose le ritonavir sont envisagées méthodiquement dans le module "Inhibiteurs de la protéase du HIV" d'Interactions Médicamenteuses de l'Application Prescrire.
Pour aller plus loin :
- "Une démarche pour éviter les effets indésirables par interactions médicamenteuses" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "7 principes pour une bonne pratique face aux risques d'interactions médicamenteuses" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "Les inducteurs enzymatiques" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "Inhibiteurs et substrats de l'isoenzyme CYP 2B6" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "Inhibiteurs et substrats de l'isoenzyme CYP 2C8" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "Rein et médicaments" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "Inhibiteurs et substrats de l'isoenzyme CYP 3A4" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "Inhibiteurs et substrats de l'isoenzyme CYP 2D6" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "Inhibiteurs et substrats de l'isoenzyme CYP 2C9" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "Inhibiteurs et substrats de l'isoenzyme CYP 2E1" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "La glycoprotéine P" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
- "Inhibiteurs de la protéase du HIV (substances)" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2022
Élaboré par la Rédaction
©Prescrire 1er avril 2022
• Texte complet :
"Nirmatrelvir + ritonavir (Paxlovid°) et gestion des interactions médicamenteuses : quelques principes" Rev Prescrire 2022 ; 42 (462) : 245-249. Réservé aux abonnés.