Une inspection de routine, menée en 2012 par l'Agence britannique du médicament (MHRA) pour le compte de l'Agence européenne du médicament (EMA), a révélé que la firme Roche n'avait pas analysé ni transmis aux agences du médicament, plus de 80 000 cas suspectés d'effets indésirables concernant 19 médicaments (1à3). Cinq ans plus tard, la Commission européenne a rendu son verdict dans cette affaire : ce n'est pas grave !
Il suffit de reconnaître sa faute
Après 5 ans d'enquête de l'EMA, la Commission européenne a absous la firme Roche au prétexte que la rétention d'information ne modifiait pas la balance bénéfices-risques des 19 médicaments concernés (2,3). La Commission reprend à son compte les déclarations de la firme qui a « accepté toutes les conclusions de l'inspection. Elle les prend très au sérieux et comprend pleinement les préoccupations de l'EMA et de la Commission. Elle a travaillé diligemment à remédier aux carences le plus rapidement possible et à renforcer son respect de ses obligations médicales et de pharmacovigilance pour prévenir tout nouveau problème » (2). Les poursuites s'arrêtent donc, et la firme Roche n'aura pas à payer les près de 700 millions de dollars d'amende en jeu (3).
Vu l'enjeu financier, on comprend que la firme Roche ait cherché, avec succès, à obtenir la clémence des autorités européennes par une attitude humble et repentante. Ce qui ne l'a pas empêchée, par ailleurs, de porter plainte contre l'Agence britannique du médicament pour ne pas l'avoir prévenue qu'une seconde inspection de ses locaux s'inscrivait dans l'enquête européenne en cours, empêchant la firme de « faire valoir son droit au silence » (4). Un procès que la firme a perdu : on ne peut apparemment pas gagner sur tous les tableaux !
Pourquoi se gêner ?
La mansuétude des autorités européennes semble très décalée avec le droit commun des personnes. Mais les firmes pharmaceutiques sont très bien protégées par le Règlement européen sur les peines en cas d'infraction : la Commission européenne ne peut leur appliquer de sanction financière que si l'infraction a « d'importantes conséquences pour la santé publique » et si les firmes ne coopèrent pas lors de la procédure menée contre elles (5).
Il s'agissait de la première application pratique de ce Règlement : on mesure ici toutes ses insuffisances et l'impuissance délibérée des autorités de régulation.