Dexamfétamine (Tentin°) et lisdexamfétamine (Xurta°) dans le TDAH : quelques repères
La dexamfétamine (Tentin°) est un énantiomère de l’amfétamine, un amphétaminique. La lisdexamfétamine (Xurta°) est un promédicament : elle est rapidement transformée dans le sang en dexamfétamine. En France, ces deux substances sont autorisées chez les enfants et les adolescents atteints de troubles déficitaires de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) en cas d'efficacité insuffisante du méthylphénidate (Ritaline° ou autre), un autre amphétaminique (1,2). La lisdexamfétamine est aussi autorisée chez certains adultes atteints de TDAH, sans mention d’échec du méthylphénidate. Mi-septembre 2025, en France, la spécialité Xurta° est commercialisée en officine sans être prise en charge par la Sécurité sociale et Tentin° n'est pas commercialisée. La dexamfétamine est autorisée depuis des dizaines d’années dans d‘autres pays.
Voici quelques repères sur la dexamfétamine et la lisdexamfétamine dans le TDAH, avant une analyse plus approfondie de leur évaluation par Prescrire.
Les troubles déficitaires de l'attention avec ou sans hyperactivité : des manifestations cliniques très variables. Le diagnostic de TDAH est généralement porté devant la persistance de symptômes non spécifiques apparus dans l’enfance associant inattention, impulsivité ou hyperactivité, avec des conséquences néfastes sur la vie quotidienne. Ses limites sont floues (3à6).
L’inattention rend les enfants incapables de poursuivre suffisamment longtemps une activité. Ils entreprennent sans cesse de nouvelles activités qu'ils interrompent généralement avant de les avoir menées à bien. Ils sont particulièrement sensibles au moindre événement extérieur qui vient les distraire dans leur activité en cours. L’impulsivité se caractérise par une incapacité à attendre, par exemple attendre son tour de parole à l’école. L’hyperactivité se manifeste par une incapacité à rester en place, une intolérance aux situations de repos, un besoin incessant de bouger. Avec le temps, l’impulsivité et l’hyperactivité s’atténuent plus souvent que l’inattention (5,6).
Le TDAH est associé à des difficultés dans les relations familiales et sociales, des échecs scolaires, une instabilité professionnelle, un risque élevé d’abus de substances psychoactives (alcool, tabac, cannabis, etc.) et peut-être à une augmentation du risque d'accidents et de la mortalité (3à6).
Intervenir d’abord sans médicament ; puis recourir parfois au méthylphénidate, en connaissant ses limites. Chez les enfants atteints d’un TDAH dont les symptômes interfèrent avec la vie quotidienne, les soins reposent d’abord sur des interventions autres que médicamenteuses : mesures de soutien (notamment au niveau scolaire) et d’accompagnement de l’enfant et de sa famille, et psychothérapie (3à6). Lorsque ces mesures ne sont pas suffisamment efficaces ou qu’elles sont trop difficiles à mettre en œuvre, le méthylphénidate (Ritaline° ou autre) est le premier choix. Son efficacité sur les symptômes est généralement modeste, démontrée seulement à court terme (7,8). Les données d’efficacité à long terme issues d’essais comparatifs randomisés manquent, en particulier sur la qualité de vie et les conséquences du TDAH.
Les amphétaminiques : de vieilles substances. L’amfétamine a été synthétisée en 1887. Son utilisation médicale a débuté dans les années 1930. Elle a été largement distribuée durant la Deuxième Guerre mondiale. Les amphétaminiques sont connus de longue date pour leurs propriétés stimulantes, avec un risque d’abus et d'usages détournés. Ils sont inscrits sur la liste des produits dopants en raison de leurs effets énergisant, euphorisant et amaigrissant. Certains sont classés comme stupéfiants (9,10).
La dexamfétamine et la lisdexamfétamine dans le TDAH : des questions qui se posent. Pour être en mesure d'estimer si la dexamfétamine et la lisdexamfétamine apportent ou non un progrès thérapeutique chez les patients atteints de TDAH, les données de l'évaluation clinique devraient apporter des réponses aux questions suivantes : sont-elles plus efficaces que le méthylphénidate ? Sont-elles efficaces en cas d'efficacité insuffisante du méthylphénidate ? Dispose-t-on de données cliniques probantes pour évaluer les éventuels effets sur la qualité de vie et les conséquences à moyen et à long termes ? Ces données montrent-elles une efficacité suffisante, vu la dangerosité connue des amphétaminiques ?
De vastes synthèses méthodiques avec méta-analyses chez des enfants, des adolescents et des adultes ont montré que la dexamfétamine et la lisdexamfétamine ont une efficacité symptomatique chez certains patients, dans des essais dont la durée n’a été le plus souvent que de quelques semaines (11,12,13). On manque de données d'évaluation robustes à long terme, ou quand le méthylphénidate a une efficacité insuffisante.
Des effets indésirables multiples et souvent graves. Les effets indésirables connus des amphétaminiques sont principalement : hypertensions artérielles ; tachycardies, troubles du rythme cardiaque, angors, arrêts cardiaques ; colites ischémiques ; difficultés mictionnelles, voire rétentions d'urine ; hypersudations ; augmentations de la salivation ; hypokaliémies ; hyperglycémies ; effets neuropsychiques tels qu’anxiétés, peurs, agitations, tremblements, insomnies, confusions, convulsions, irritabilités, céphalées, troubles psychotiques, troubles compulsifs, tics ; dépendances et syndromes de sevrage ; troubles digestifs ; ralentissement de la croissance ; etc. (14).
Dans des études faites à partir de bases de données de pharmacovigilance, les accidents cardiovasculaires ont paru plus fréquemment rapportés avec la dexamfétamine et la lisdexamfétamine qu'avec le méthylphénidate (15,16). Selon ces études, les risques neuropsychiques semblent aussi accrus par rapport au méthylphénidate (15).
Et si elle était ou devenait enceinte ? La dexamfétamine et la lisdexamfétamine traversent le placenta et sont excrétées dans le lait maternel (1,2). Chez des animaux, des études ont montré un risque tératogène de divers amphétaminiques, avec surtout des malformations cardiaques à fortes doses (17,18). Les études menées avec la dexamfétamine et la lisdexamfétamine ont eu des résultats divergents selon l’espèce animale et la dose testée. Chez l’Homme, le risque de malformations congénitales n’a pas paru accru, mais une augmentation du risque de prééclampsie, de prématurité et de troubles neuropsychiques a été rapportée. En outre, la prise d’amphétaminique pendant la grossesse expose le nouveau-né à des symptômes de sevrage. À plus long terme, les conséquences de l’exposition in utero à un amphétaminique sont largement inconnues.
©Prescrire (18 septembre 2025)
Sources :
1- ANSM "RCP-Tentin" 11 avril 2025.
2- ANSM "RCP-Xurta" 18 mars 2025.
3- Prescrire Rédaction "Hyperactivité avec déficit de l’attention. Ne pas banaliser le méthylphénidate" Rev Prescrire 2017 ; 37 (406) : 592.
4- Prescrire Rédaction "Méthylphénidate (Ritaline° LP) et troubles de déficit de l’attention avec hyperactivité chez les adultes" Rev Prescrire 2022 ; 42 (465) : 496-497.
5- Chan E et coll. "Attention deficit hyperactivity disorder in children and adolescents : clinical features and diagnosis" UpToDate. Site www.uptodate.com consulté le 14 août 2025 : 41 pages.
6- Bukstein OG et coll. "Attention deficit hyperactivity disorder in adults : epidemiology, clinical features, assessment, and diagnosis" UpToDate. Site www.uptodate.com consulté le 14 août 2025 : 33 pages.
7- Boesen K et coll. "Extended-release methylphenidate for attention deficit hyperactivity disorder (ADHD) in adults" (Cochrane Review). In : "The Cochrane Library" John Wiley and Sons, Chichester 2022 ; issue 2 : 192 pages.
8- Storebø OJ et coll. "Methylphenidate for children and adolescents with attention deficit hyperactivity disorder (ADHD)" (Cochrane Review). In : "The Cochrane Library" John Wiley and Sons, Chichester 2023 ; issue 3 : 44 pages.
9- EMCDDA "Problem amphetamine and metamphetamine use in Europe" 2010 : 38 pages.
10- Prescrire Rédaction "La saga des anorexigènes amphétaminiques" Rev Prescrire 2003 ; 23 (243) : 672-676.
11- Cortese S et coll. "Comparative efficacy and tolerability of medications for attention-deficit hyperactivity disorder in children, adolescents, and adults : a systematic review and network meta-analysis" Lancet Psychiatry 2018 ; 5 (9) : 727-738 + supplementary appendix : 649 pages + (letters) : 870-873.
12- Elliott J et coll. "Pharmacologic treatments of attention-deficit hyperactivity disorder in adults : a systematic review and network meta-analysis" Plos One 2020 ; 15 (10) : 35 pages.
13- Castells X et coll. "Amphetamines for attention deficit hyperactivity disorder (ADHD) in adults" (Cochrane Review). In : "The Cochrane Library" John Wiley and Sons, Chichester 2018 ; issue 8 : 127 pages.
14- Prescrire Rédaction "Methylphenidate" Interactions Médicamenteuses Prescrire 2025.
15- Wu L et coll. "Comparison of serious adverse effects of methylphenidate, atomoxetine and amphetamine in the treatment of ADHD : an adverse event analysis based on the FAERS database" BMC Pharmacol Toxicol 2025 ; 26 (1) : 13 pages.
16- Cho H et coll. "Global burden of ADHD medication-associated cardiovascular disease, 1967-2023 : a comparative analysis using the WHO pharmacovigilance database" Asian J Psychiatr 2024 ; 101 : 5 pages.
17- Prescrire Rédaction "Méthylphénidate pendant la grossesse : tératogène, fœtotoxique et doutes sur des effets à long terme" Rev Prescrire 2019 ; 39 (425) : 189.
18- "Reprotox" 16 décembre 2024. Site reprotox.org consulté en juin 2025.