Revue Prescrire, article en une, réseau d'observation de la visite médicale mars 2003 (2)
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Le bilan du Réseau d'observation de la visite médicale est toujours aussi accablant
 
Les années passent, le contexte économique et donc l'industrie pharmaceutique évoluent, le dispositif réglementaire supposé encadrer la publicité se complète, les membres du Réseau d'observation de la visite médicale se renouvellent…, mais le bilan du Réseau égrène toujours les mêmes résultats et les mêmes errances.
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Réseau d'observation : le "best of" 2002
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La visite médicale n'est pas une source fiable d'information
Itinéraire mis à jour le 1er mai 2003 (11 articles)

Visite médicale = publicité : elle attrape les praticiens là où ils ne l'attendent pas
Itinéraire mis à jour le 3 mars 2003 (10 articles)

Visite médicale : non merci !
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La précédente synthèse comportant un bilan chiffré du Réseau d'observation de la visite médicale de la revue Prescrire remonte à 1999 (1). On y trouve l'histoire de la création de ce réseau sentinelle composé d'abonnés à la revue, une description des méthodes de recueil des observations, et le bilan qualitatif et quantitatif de ses 8 premières années d'activité.

Pour résumer le bilan d'alors :
- l'information apportée par les discours des visiteurs médicaux est le plus souvent biaisée : modifiant ou élargissant les indications thérapeutiques officielles des médicaments présentés (dans 20 % des observations en moyenne chaque année) ; visant à faire déraper les posologies à la hausse (dans 10 % en moyenne) ; et surtout minimisant les risques potentiels du traitement (dans 75 % des observations) ;
- au mépris de la réglementation, le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) n'est pas remis dans 16 % des observations ; et surtout, les conclusions comparatives de la Commission de la transparence (avec sa cotation de l'amélioration du service médical rendu (ASMR) (2)) n'est quasiment jamais remis (95 % des observations en 1998) (1).

Le Réseau poursuit inlassablement ses observations
Depuis, le Réseau d'observation poursuit son travail. Les fiches d'observation continuent à affluer de toutes les régions de France.

Ces fiches constituent une source précieuse d'informations pour les équipes "Médicament" de la Rédaction de la revue Prescrire. Elles alimentent par ailleurs la rubrique régulière "Échos du Réseau" (lire par exemple le "best of" 2002).

Les animateurs du Réseau regroupent en outre les fiches par année de collecte, et établissent des bilans réguliers pour tenter de discerner des évolutions dans le comportement des visiteurs (3).

Durant ces 12 dernières années, les observateurs se sont relayés. Mais leur nombre (plusieurs dizaines en permanence), leur répartition (homogène dans toutes les régions de France métropolitaine), leur concentration en médecine générale (les fiches transmises par des observateurs pharmaciens ou hospitaliers se traitent à part) n'ont pratiquement pas changé.

Les règles du jeu ne changent pas non plus : les observateurs doivent remplir une fiche si on leur présente un nouveau médicament, ou si on leur annonce une "nouveauté" à propos d'un médicament déjà commercialisé (qu'elle figure dans le RCP ("nouveauté") ou non ("dérapage") (a)).

La réalité est probablement pire que le constat du Réseau
Année après année, ce qui caractérise le plus les observations des membres du Réseau, c'est leur étonnante constance : à l'évidence, le discours des visiteurs médicaux ne transmet pas une vision objective des éléments d'évaluation des médicaments ; ceux-ci sont systématiquement présentés sous un jour favorable, allant jusqu'à nier tout effet indésirable pourtant connu ; et cela ne s'arrange pas, ni ne se détériore, au fil des années.

Ce constat est d'autant plus alarmant que le bilan du Réseau d'observation doit être compris comme un reflet probablement optimiste de la réalité. Il y a en effet tout lieu de penser que, malgré la confidentialité qui entoure logiquement les membres du Réseau, bon nombre d'observateurs ont été repérés (et "fichés") comme étant des "petits prescripteurs", et/ou se déclarant "abonnés à la revue Prescrire", et/ou "posant tout le temps des questions et demandant des preuves", etc. Il est donc probable que le comportement des visiteurs vis-à-vis du sous-groupe des praticiens membres du Réseau soit une sorte de profil "soft" de la visite médicale. Pour l'ensemble des prescripteurs, et particulièrement ceux réputés "gros prescripteurs", la situation est vraisemblablement bien pire ; ne serait-ce que pour les chapitres "cadeaux" et "proposition d'études rémunérées".

Les anciens médicaments sont les plus mal présentés
En 1998, le Réseau avait constaté que le RCP était plus souvent remis, et les indications et les posologies officielles plus souvent respectées pour les nouveaux médicaments que pour les médicaments plus anciens (1).

Cette impression initiale s'est confirmée, et pour l'ensemble des 4 dernières années, les observations sont les suivantes :
- pour les nouveaux médicaments, la présentation des indications est correcte dans 87 % des observations, partiellement correcte dans 10 %, totalement incorrecte dans 3 % ; et les posologies sont conformes au RCP dans 95 % des observations, partiellement conformes dans 4 %, totalement incorrectes dans 1 % ;
- pour les anciens médicaments, les indications sont correctement présentées dans 57 % des observations, partiellement correctes dans 24 %, totalement incorrectes dans 19 % ; et les posologies sont conformes dans 74 % des observations, partiellement conformes dans 15 %, totalement non conformes dans 11 %.

C'est mieux d'un côté ou pire de l'autre, chacun tirera sa conclusion. Mais chacun devra surtout se rappeler qu'il s'agit là seulement de la performance de la visite médicale dans le domaine des indications et de la posologie. Quand on observe, par exemple, ce qui est dit sur les effets indésirables, les contre-indications et les précautions d'emploi, on est très loin du compte, quel que soit l'âge du médicament.

Non merci !
On peut décider de continuer à recevoir les visiteurs médicaux. Mais pas pour se leurrer en qualifiant de formation continue le temps passé à se soumettre à cette désinformation.

"Non merci !", disons-nous pour notre part.

©La revue Prescrire 1er mars 2003
Rev Prescr 2003 ; 23 (237) : 225-227.

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Notes
a- Pour traduire avec plus de nuances la teneur des discours et des actes des visiteurs médicaux, les fiches d'observation ont été rendues plus précises à partir de l'année 1997. On peut ainsi observer les demi-mensonges par omission, et mesurer la différence d'argumentaire quand il s'agit de présenter un médicament nouveau, ou une "nouveauté" pour un médicament commercialisé depuis longtemps.
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Références
1- Prescrire Rédaction "Visite médicale : le bilan accablant du Réseau d'observation de la visite médicale" 1999 ; 19 (193) : 226-231.
2- Prescrire Rédaction "Définitions : Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR)" Rev Prescr 2002 ; 22 (234 suppl.) : 889.
3- Prescrire Rédaction "Échos du Réseau : Dérapages et faux-semblants de la visite médicale" Rev Prescr 2001 ; 21 (218) : 435.