Les fiches du Collectif Europe et Médicament |
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Pourquoi ne faut-il pas allonger davantage la protection
des données concernant le médicament en Europe ? |
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Les
pays industrialisés ont progressivement mis en place un système
de brevets destiné à encourager la recherche privée,
le monopole temporaire d'exploitation de l'invention devant permettre
à l'inventeur de rentabiliser ses investissements de recherche.
Le monopole conférant en pratique une totale ou presque totale
liberté des prix, la durée réelle de protection
est un élément clé dans l'équilibre entre
les intérêts des industriels et ceux de la collectivité.
Sous la pression des firmes pharmaceutiques, d'autres types de protections
sont venus s'ajouter aux brevets, tels que les systèmes complémentaires
de protection et la "protection des données" qui
interdit en pratique l'utilisation de ces données dans les
dossiers allégés de demande d'autorisation sur le marché
(AMM) des médicaments génériques.
À l'inverse, certains pays ont mis en place une exemption dite
"Bolar", qui permet d'obtenir une AMM avant la fin du brevet,
de manière à ce que la commercialisation du médicament
générique puisse commencer immédiatement à
l'échéance du brevet.
Dans
l'article 10 de la proposition de directive, la Commission européenne
propose une harmonisation de la "protection des données"
à 10 ans. Or, aujourd'hui, la moitié des Etats
membres appliquent une protection des données de 6 ans
seulement. La Commission propose que la protection de 10 ans
soit prolongée d'une année supplémentaire en
cas de découverte d'une nouvelle indication au produit original.
Pourquoi
renforcer encore la protection dans une Europe déjà
très protectrice ?
Durant
la période d'exclusivité des données, les fabricants
de médicaments génériques ne peuvent présenter
un dossier d'AMM allégé car ils ne peuvent faire référence
aux données cliniques et pré-cliniques réalisées
par le fabricant du produit original. La proposition de la Commission
aura donc pour effet de retarder l'apparition des médicaments
génériques sur le marché (dans la mesure où
cette protection des données peut excéder le temps de
protection lié aux brevets) pour la moitié des Etats
Membres dont la protection va passer de 6 à 10 voire 11 ans.
Or la protection offerte en Europe par les certificats complémentaires
de protection est déjà une des plus longues du monde,
permettant de porter la durée effective de protection à
15 ans, contre 14 ans aux Etats-Unis. Par ailleurs il n'existe
pas d'exemption Bolar en Europe, contrairement aux Etats-Unis, ce
qui là aussi se traduit par une différence de plus d'un
an. L'allongement de la protection des données en Europe ne
semble donc vraiment pas être une urgence ; elle sera coûteuse
pour les patients ou leurs organismes de protection sociale. Selon
les fabricants de médicaments génériques, le
coût à supporter par la collectivité d'une année
supplémentaire d'exclusivité des données s'élèverait
à 543 millions d'euros pour le Royaume-Uni, 495 millions d'euros
pour l'Allemagne, 274 millions d'euros pour la France.
La
Commission prévoit par ailleurs d'allonger la protection par
brevet (de six mois ou un an) pour les médicaments dont le
producteur aura réalisé un essai clinique pédiatrique.
L'équilibre de la durée de protection intellectuelle
(brevet + certificats de protection + protection des données)
est menacé aujourd'hui. |
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