Revue Prescrire, article en une, Europe et médicament mars 2003 (3)
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Europe et médicament :
Compromis Conseil des ministres - Commission européenne au 4 février 2003 :
les points à défendre

 
Les travaux préparatoires à la réunion du Conseil des ministres de juin 2003 comportent une recherche de compromis entre les représentants des États d'une part et la Commission d'autre part. Ce travail est très avancé au 4 février 2003, même si des points importants restent à trancher.
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Les points qui semblent acquis
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Europe et médicament : les points -clés de la campagne
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Visibilité du fonctionnement de l'Agence

- les membres des commissions et des conseils de l'Agence établiraient chaque année la liste de leurs conflits d'intérêts. Cette liste serait rendue publique, mais seulement sur demande, aux bureaux de l'Agence (amendement 110 - article 56-2-1, 1bis et 2), ce qui rend l'obligation inopérante ;

- la Commission n'accepte pas que la banque de données sur les médicaments, dont l'Agence européenne du médicament sera responsable, permette des comparaisons entre médicaments (amendement 91 - article 51-1-2-j) ;
- la plupart des amendements votés le 23 octobre 2002 par le Parlement concernant la transparence de l'Agence européenne du médicament (au sens de visibilité par le public de son fonctionnement) font référence au Règlement européen 1049/2001 sur l'accès aux documents et sur les registres prévus dans ce texte pour archiver les documents et permettre ainsi leur accès aisé par les citoyens de l'Union (notamment amendements 38, 43, 51, 53, 79, 81, 87, 109, 131). La Commission affirme accepter ce principe de l'accès aux documents, mais considère que, pour certains documents, ils sont déjà accessibles et ne nécessitent pas de nouvelle obligation (cas des rapports d'évaluation de la Commission d'autorisation de mise sur le marché). Pour d'autres, elle annonce que l'accès sera garanti par une "proposition séparée de la Commission". Pour d'autres encore, elle considère qu'il est inutile de regrouper les documents dans des registres puisqu'ils seront déjà accessibles dans une base de données séparée (cas des essais cliniques, qui seraient ainsi séparés des données de l'AMM par exemple). Pour d'autres enfin, elle envisage un accès "hiérarchisé" selon que la requête viendra d'une firme pharmaceutique, d'un professionnel de santé, ou du public (cas des effets indésirables).

Il faut bannir cette multiplicité de voies d'accès et faire appliquer le Règlement 1049/2001.

Fonctionnement de l'Agence

- la Commission avait accepté le principe qu'un rapporteur de dossier de demande d'AMM auprès de l'Agence sollicite l'avis d'associations de patients, mais tandis que le Parlement avait voulu cette consultation obligatoire, la Commission proposait la formule « le rapporteur peut prendre contact » (amendement 105 - article 55-1-1). Ce point n'a pas été repris dans le compromis commission - conseil ;

- le Parlement a aussi voulu que les présidents des commissions scientifiques de l'Agence européenne du médicament participent aux réunions du Conseil d'administration de l'Agence. La Commission rend cette participation facultative et non obligatoire comme voté par les députés (amendement 118 - article 58-3) ;

- la Commission avait proposé dans son premier projet de règlement que la procédure centralisée d'autorisation de mise sur le marché (par l'agence européenne du médicament donc) soit rendue obligatoire pour toute nouvelle substance. Cette centralisation permettrait d'éviter le mécanisme actuel de reconnaissance mutuelle qui semble souvent un moyen plus facile et plus opaque d'obtenir une AMM que la procédure centralisée. De nombreux pays restent hostiles à cette proposition (point encore en discussion) ;

- des représentants des patients, des médecins et des organismes de sécurité sociale siègeraient au Conseil d'administration de l'Agence (amendements 116, 117 - article 58-1 et 2). Ce point est cependant encore en discussion, la France s'opposant à la présence des organismes de sécurité sociale ;

- la Commission refuse la participation des patients au Conseil consultatif de l'Agence européenne du médicament (amendement 119 - article 59-1) ;

- elle rejette la partie de l'amendement 91 (article 51-1-2-j) qui concerne l'indépendance du financement de sa banque de données, et précise: « il ne peut pas être exclu que les firmes pharmaceutiques ne contribuent pas financièrement au développement de cette banque de données » ;

- dans le même esprit, elle refuse l'amendement visant à assurer le financement public des "tâches centrales" de l'Agence (amendement 152 - considérant 17bis). La Commission estime que « les redevances [NDLR : payées par les firmes] doivent servir à payer les services rendus à l'industrie : la contribution communautaire doit servir pour financer les taches de nature publique demandées à l'Agence par le législateur (…) ». Elle reconnaît cependant la nécessité d'un financement public "adéquat" pour les activités de pharmacovigilance, de surveillance du marché (?) et de gestion des réseaux d'information (?) (amendement 121, article 60) ;

- la commission d'autorisation de mise sur le marché (actuel CPMP) comprendrait un seul membre représentant chaque État, et non plus deux. Avec une telle disposition, on peut craindre que la commission d'AMM soit constituée uniquement de représentants administratifs des Agences nationales, alors qu'un binôme permettrait d'avoir un membre plus administratif et un autre plus scientifique. S'il s'agit de ne pas trop compliquer la tenue de réunions dans une perspective d'élargissement de l'Union, il peut être proposé de conserver deux représentants par État, mais disposant d'une seule voix.

Évaluation des médicaments

- la Commission rejète de fait un amendement qui stipule que les avis de la commission d'autorisation de mise sur le marché doivent être motivés indication (thérapeutique) par indication, avec pour argument que cela se pratique déjà. Inscrire dans un règlement qu'une pratique doit être obligatoire est pourtant plus rassurant ;

- la Commission repousse les amendements qui prévoient un délai minimum de 90 jours pour l'évaluation scientifique du dossier de demande d'AMM dans le cadre de la procédure normale, et l'allongement possible de ce délai dans des cas particuliers (amendements 175 et 45 - articles 6-3-1bis, 1ter, 1quater et article 13-6-2bis, 2ter). La Commission considère qu'il s'agit de "détails" relevant des procédures internes de la commission. Il s'agit pourtant de garanties essentielles à la qualité de l'évaluation ;

- la Commission affirme accepter en principe les amendements faisant référence au "principe de l'efficacité relative" (d'un médicament par rapport aux autres moyens thérapeutiques déjà disponibles) (amendements 4 et 100 - considérant 11 et article 53bis). Elle rappelle même que le Conseil des ministres européens de la santé a souligné (depuis le 29 juin 2000) l'importance d'une identification des médicaments présentant une valeur thérapeutique ajoutée.
Mais, selon la Commission, « cette évaluation ne doit pas être conduite dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché dont il convient de conserver les critères fondamentaux », les seuls critères étant pour elle : qualité, sécurité et efficacité du nouveau médicament. Elle propose donc une simple enquête sur les méthodes utilisées par les États membres pour déterminer le progrès thérapeutique apporté par un nouveau médicament, alors que ces méthodes sont déjà connues et décrites depuis longtemps, et sans dire à quoi pourrait servir cette enquête.

Le Collectif souhaite qu'il existe un système encourageant les firmes à fournir des informations comparatives sur leurs médicaments. Il demande qu'au minimum il soit officiellement précisé, le cas échéant, que le dossier de demande d'AMM ne comportait pas de telles données. Quel que soit l'état du dossier, le rapport d'évaluation de l'Agence doit donner l'avis de la Commission d'AMM sur la valeur thérapeutique ajoutée par le médicament, ou doit signaler l'impossibilité de la déterminer : simple question de transparence sur l'état de l'évaluation.

Pharmacovigilance

- les patients seraient invités à notifier les effets indésirables auprès des professionnels de santé ; et peut-être aux autorités compétentes (amendement 54 - article 20-3). Ce point est cependant encore en discussion, plusieurs pays dont la France ne souhaitant pas que les patients notifient aux autorités compétentes ;

- la Commission refuse que soit portée obligatoirement la mention « médicament nouvellement autorisé, prière de signaler les effets indésirables » sur la notice des médicaments nouveaux pendant cinq ans (amendement 42 - article 13-3bis), sous le prétexte qu'elle refuse par ailleurs que les patients notifient des effets indésirables directement aux firmes, mais seulement aux Agences et aux professionnels de santé (lire plus haut). Cela n'a rien à voir avec la nécessité d'appeler l'attention des patients sur un suivi particulier des nouveaux médicaments. Il se pratique déjà dans différents pays du monde, sans difficulté particulière (Nouvelle-Zélande, Suède, Royaume-Uni) ;

- le Parlement avait voulu que l'Agence européenne du médicament mette en place un recueil actif de données spécifiques de pharmacovigilance pendant les deux premières années de commercialisation des nouveaux médicaments ; la Commission transforme cette obligation en simple possibilité, sur justificatif, mais pour une durée de 5 ans (amendement 64 - article 24-3bis) ;

- la Commission refuse que la base de données de l'Agence contienne des informations de pharmacovigilance (amendement 157 - article 51-2) au prétexte qu'il est prévu une base de données spécifique de pharmacovigilance. Encore une fois la Commission exprime son attachement à un système hétérogène difficile d'accès par le public.

Usage compassionnel

- il reste prévu ( article 73-6) que les médicaments en usage compassionnel soient gratuits pour les patients. Cet article devra être précisé, faute de quoi firmes, agences nationales et agence européenne risquent de se rejeter la responsabilité du financement ;

- par ailleurs, le projet de Règlement n'apporte aucune garantie sur le fait qu'un programme d'accès compassionnel soit mis en place dans chaque cas où des patients en impasse thérapeutique pourraient en bénéficier. Dans cet objectif, il est nécessaire de prévoir que des représentants de patients puissent saisir les agences européenne et nationales de leurs demandes.

Protection des données

- la Commission repousse un amendement qui prévoit que les États membres puissent échapper à la généralisation de la protection des données sur les médicaments d'une durée de 10 ans (certains États les protègent seulement 6 ans actuellement) (amendement 46 - article 13-8). Plusieurs pays souhaitent voir ce point traité en même temps que la disposition semblable du projet de Directive.

Pays en développement

- la Commission repousse tous les amendements visant à prévoir une solidarité active avec les pays démunis : exportation de seuls médicaments efficaces, sûrs et d'une qualité irréprochable ; incitation à la recherche pour les maladies des pays les plus démunis ; coopération dans le domaine pharmaceutique ; etc. (amendements 7, 8, 26, 94). La Commission estime que de telles propositions n'entrent pas dans le champ du projet de Règlement. Le minimum serait pourtant qu'ils figurent au moins dans les considérants du texte, marquant ainsi la préoccupation de l'Europe pour un sujet aussi important.

©La revue Prescrire pour le Collectif Europe et Médicament 1er mars 2003