Il est courant que les professions forgent leur identité et leur légitimité en écrivant leur propre histoire, faite d'événements épiques et d'illustres aïeux. L'histoire de la médecine, devenue une discipline académique dans les pays industrialisés à partir du 19e siècle, est souvent réduite, dans les critiques qui surgissent à partir des années 1970, à cette fonction de faire-valoir (1). Les historiens et historiennes de métier lui reprochent une conception naïve du progrès scientifique, qui se mesurerait uniquement par des réussites cliniques ou sanitaires quantifiables vues comme autant d'étapes triomphales dans la marche d'un progrès inéluctable (1,2). Ils s'en prennent aussi à une approche dite internaliste, qui explique l'évolution de la médecine par les découvertes individuelles et l'engagement des médecins dans leur art, faisant de ceux-ci les héros des temps modernes, et occultant d'autres types d'explications : les dimensions culturelles et idéologiques, les logiques économiques et sociales, le rôle joué par d'autres groupes professionnels, etc. (1à3)
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