Quelle est la place de la recherche publique ou universitaire dans les travaux à l'origine de nouveaux médicaments ? Est-elle à l'origine de davantage de progrès thérapeutiques que la recherche privée menée par les firmes pharmaceutiques ? C'est à ces questions qu'a voulu répondre une équipe de chercheurs du Royaume-Uni, du Danemark et des États-Unis d'Amérique (1,2).
La recherche par les firmes est majoritaire, mais loin d'être exclusive
Les chercheurs ont étudié les nouveaux médicaments mis sur le marché français entre 2008 et 2018, et quantifié leur intérêt thérapeutique à partir du niveau d'amélioration du service médical rendu (ASMR) attribué par la Haute autorité de santé (HAS) française et des cotations du Rayon des nouveautés de Prescrire (1,2). Sur les 632 médicaments recensés, 73 % provenaient de la recherche par les firmes et 27 % d'une recherche universitaire ou de partenariats public-privé (1).
135 médicaments étaient les premiers à être commercialisés dans leur groupe pharmacothérapeutique (par un nouveau mécanisme d'action ou une nouvelle cible moléculaire) et donc censés être "innovants". Parmi eux, 71 % étaient issus d'une recherche par les firmes et 29 % d'une recherche universitaire ou de partenariats public-privé (2).
Léger avantage pour la recherche universitaire en matière de progrès thérapeutique
Parmi l'ensemble des 632 médicaments, la HAS et Prescrire ont estimé qu'environ trois quarts des médicaments issus de la recherche par les firmes n'apportaient pas de progrès thérapeutique. C'était aussi le cas des deux tiers des médicaments issus d'une recherche universitaire (1).
Parmi les 135 médicaments qui étaient les premiers commercialisés dans leur groupe pharmacothérapeutique, la HAS a estimé que 46 % n'apportaient aucun progrès thérapeutique, 49 % un progrès modeste et 5 % un progrès thérapeutique notable. Selon les cotations de Prescrire, c'était le cas de respectivement 68 %, 29 % et 3 % des médicaments (2).
Au total, sur les 632 médicaments, une absence de progrès thérapeutique a été statistiquement plus fréquente pour les médicaments issus de la recherche par les firmes que pour ceux issus de la recherche universitaire, que ce soit selon les évaluations de la HAS ou de Prescrire (1).
Ces résultats en confirment d'autres : la recherche menée par les firmes est loin d'être la seule source de nouveaux médicaments, et une grande part des nouveaux médicaments n'apportent pas de progrès thérapeutique démontré (1à3).
Rôle essentiel du financement public des États-Unis d'Amérique
Par ailleurs, une autre équipe de recherche a montré que le National Institute of Health (NIH) étatsunien avait joué un rôle déterminant dans la recherche des 84 nouvelles substances premières dans leur groupe pharmacothérapeutique mises sur le marché aux États-Unis entre 2010 et 2016 (4). Cette équipe a poursuivi son analyse et montré que c'était aussi le cas des 356 nouveaux médicaments mis sur le marché entre 2010 et 2019, avec un financement public totalisant 187 milliards de dollars (5).
Pour les auteurs, « cette analyse démontre l'importance d'un investissement public soutenu dans la science biomédicale fondamentale » (5).