Coûts de R&D : opacité à tous les étages

Les nouveaux médicaments sont-ils chers à cause du coût de recherche et développement (alias R&D) supporté par les firmes pharmaceutiques ?

Transparence minimaliste

Pour éclairer les débats sur le coût de R&D pharmaceutique, il faudrait des chiffres précis et fiables, et a minima une transparence sur les financements publics de R&D. En 2019, sous la pression d'associations et de Prescrire, le gouvernement français a proposé d'obliger les firmes à informer le Comité économique des produits de santé (CEPS) du « montant des financements publics de recherche et développement dont elles ont bénéficié » pour les médicaments remboursés par la collectivité (1).

Cette mesure a été votée en 2020, mais le décret d'application de 2021 a réduit le périmètre de la déclaration aux investissements publics directs : il n'y a pas d'obligation à déclarer les crédits d'impôt recherche (CIR) dont bénéficient les firmes (2).

De l'information à la publicité

Fin 2022, le CEPS a publié pour la première fois des chiffres dans son rapport d'activité 2021 (3). Sur les 190 firmes ayant passé convention avec le CEPS, seules 7 ont déclaré avoir reçu un financement public de R&D en 2021, pour un total d'environ 3 millions d'euros (3). Il s'agit d'« une représentation trompeuse de la réalité », selon un collectif d'associations, qui dénonce une sous-déclaration importante (4). Le LEEM, l'organisation représentative des firmes pharmaceutiques opérant en France, ne se déclare pour sa part pas étonné, sous-entendant que les sommes déclarées concernent le seul développement clinique (et pas la recherche en amont) (5). Soit une interprétation particulièrement restrictive de la transparence sur les « financements publics de recherche et développement » prévue par la loi.

Autre surprise à la lecture du rapport du CEPS, on y apprend que 18 firmes ont déclaré avoir financé à hauteur d'environ 49 millions d'euros des organismes publics de recherche, principalement l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et des centres hospitaliers universitaires (CHU) (3). La publication de ce chiffre provient de l'accord cadre passé entre le CEPS et le LEEM en 2021 par « volonté de transparence et de symétrie d'information » (6).

En somme les firmes ont réussi le tour de passe-passe de détourner une loi sur la transparence des financements publics de R&D pour faire de la publicité sur leur financement de la recherche publique, et cela en coopération avec le CEPS…

En 2019, les firmes ont bénéficié de plus de 700 millions d'euros de réduction d'impôts grâce au crédit d'impôt recherche, soit un financement public indirect de leur R&D (7). C'est plus de 230 fois les sommes déclarées au CEPS.

Est-ce si difficile d'obliger chaque firme à publier ce dont elle a bénéficié au titre du crédit d'impôt recherche ? « Par volonté de transparence et de symétrie d'information »…

©Prescrire

Extraits de la veille documentaire Prescrire

1- Prescrire Rédaction "Médicaments : financements publics de la recherche et profits privés" Rev Prescrire 2020 ; 40 (443) : 696-699.

2- Prescrire Rédaction "Médicaments : les firmes obligées de déclarer les fonds publics reçus pour la R&D" Rev Prescrire 2022 ; 42 (467) : 700.

3- Comité économique des produits de santé "Rapport d'activité 2021" décembre 2022 : 232 pages.

4- Collectif d'associations "Transparence : quand la France demande aux entreprises pharmaceutiques plus de transparence, la réponse est toujours plus d'opacité !" 6 janvier 2023 : 2 pages.

5- "Des ONG dénoncent la "sous-déclaration importante" des aides publiques perçues par la pharma" APM News du 6 janvier 2023 : 2 pages.

6- CEPS et LEEM "Accord-cadre du 5 mars 2021 entre le Comité économique des produits de santé et les entreprises du médicament (LEEM)" : 38 pages.

7- Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche "Le crédit d'impôt recherche (CIR) en 2020 (données provisoires)" août 2022 : 4 pages.