Qui paie ?

« Il n'y a pas de repas gratuit ». Cet adage bien connu des économistes mériterait de l'être davantage des professionnels de santé, autrement dit des soignants. Pour nombre de soignants, accepter des repas offerts par des firmes est banal et sans conséquence. Beaucoup n'y voient rien de compromettant, estimant que leur éthique personnelle les place au-dessus de tout soupçon d'influence. Pourtant, de nombreuses études montrent que les soignants sont bel et bien influencés par des petits cadeaux, comme tout être humain, et que les repas sont parmi les cadeaux les plus influents.

Pour les soignants peu enclins à remettre en cause cette habitude, bien agréable, de boire et manger sans payer, au restaurant ou sur le lieu de travail, quelques constats et questions simples aident sans doute à méditer.

Quand une personne accepte une invitation à manger de la part d'une nouvelle connaissance, est-ce anodin ? Quand les visiteurs "médicaux" (ou "pharmaceutiques") ne sont pas de nouvelles connaissances, les soignants invitent-ils souvent en retour ces représentants des firmes pharmaceutiques à manger, comme on le fait avec un ami ?

S'ils ne le font pas, c'est peut-être qu'ils s'estiment quittes avec ces "amis" et qu'inconsciemment au moins ils considèrent que les firmes leur doivent bien quelque chose… en échange de leurs prescriptions, de leurs achats de médicaments, ou de telle ou telle pratique.

Certains soignants pourraient argumenter que les sommes en jeu sont souvent mineures et qu'ils n'ont le temps de s'informer sur un produit de santé que pendant une pause déjeuner ou en soirée. Le repas payé par la firme serait alors un simple arrangement pragmatique.

Ces soignants auraient tout intérêt à prendre connaissance des données scientifiques (lire aussi "Le repas : un cadeau particulièrement influent") qui montrent que le fait de manger influe beaucoup sur la perception et la mémorisation du message reçu à ce moment-là, ce qui fait du repas, y compris très simple, une technique d'influence et commerciale des plus efficaces.

« Il n'y a pas de repas gratuit » : les repas offerts par les firmes aux soignants sont en réalité payés in fine par les patients et les cotisants à l'assurance maladie. Cette dépense est-elle dans l'intérêt des patients et de la collectivité ?

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