Et si elle était violentée ?

En 2017, les violences sexuelles ont soudainement émergé dans le débat public dans de nombreux pays. Le nombre impressionnant de témoignages a montré l'ampleur du phénomène. Diverses enquêtes réalisées depuis les années 1990 apportent des données à l'appui de la parole des victimes. En grande majorité des femmes : selon une vaste enquête française, 1 femme sur 7 (1 homme sur 25) a déclaré avoir subi, au cours de sa vie, au moins une forme d'agression sexuelle, et 1 femme sur 27 (1 homme sur 170) un viol ou une tentative de viol (lire aussi "Viols et agressions sexuelles en France, enquête 2015"). En France, certains médias et collectifs tiennent une comptabilité glaçante du nombre de femmes tuées par leur conjoint ou compagnon.

Et ces violences ne se limitent pas aux morts, ni aux agressions caractérisées. Dans une synthèse sur le rôle des soignants, pour reconnaître les violences conjugales et accompagner les victimes (lire aussi "Violences conjugales") nous constatons combien les formes que prennent ces violences sont multiples, intriquées, souvent répétées, et présentes dans tous les milieux sociaux. Qu'elles soient physiques, psychiques, sexuelles, verbales, ou économiques, ces violences ont un impact grave sur la santé physique et psychique. Avec des troubles gynécologiques et sexuels, des syndromes de stress post-traumatique, des troubles anxieux et dépressifs, des suicides, des douleurs chroniques, des dépendances, et aussi des troubles d'apparence plus banale tels que des troubles intestinaux ou du sommeil. Très souvent aussi, les victimes perdent estime et confiance en elles, sont isolées et ont des difficultés à garder un emploi ou une vie sociale. Elles éprouvent une grande gêne à demander du soutien.

Les professionnels de santé sont souvent en situation d'être un premier recours des victimes de violences conjugales. Cependant, souvent les victimes n'en parlent pas spontanément. Par peur, honte, désespoir, culpabilité. Ou encore par déni, minimisation. Pourtant, beaucoup déclarent qu'elles auraient souhaité qu'on leur pose la question.

Les soignants sont dans leur rôle quand ils dépistent ces violences. Encore faut-il envisager ces violences et oser les évoquer par des questions adaptées. Systématiquement ? Peut-être pas, mais peut-être que oui. Des enquêtes et l'expérience d'une médecin généraliste nous y encouragent (lire dans le n° 410, p. 951-952). Commencer par porter attention à certains signes, pour prendre le temps d'envisager l'hypothèse : « et si cette personne avait été violentée ? ». Entrouvrir une porte, pour montrer qu'on est prêt à entendre une souffrance cachée. Trouver un mode de relation, qui supprime des obstacles à ce qu'une victime puisse s'exprimer, dans un lieu de soins confidentiel, c'est-à-dire en confiance.

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