Cheval de Troie

Chez les patients atteints de leucémie lymphoïde chronique et qui n'ont pas encore reçu de traitement pour cette leucémie, le traitement de référence varie largement selon la forme de la maladie, des caractéristiques tumorales et l'état du patient : le choix va de l'absence de tout médicament à des combinaisons d'antitumoraux de plusieurs types.

Dans cette situation, l'ibrutinib (Imbruvica°) a fait l'objet d'un essai comparatif non aveugle, chez des patients âgés d'au moins 65 ans, peu ou pas fragilisés par ailleurs, versus un comparateur unique, le chlorambucil (Chloraminophène°) seul, discutable dans ce contexte. Les résultats ont paru favorables à l'ibrutinib (lire aussi "ibrutinib (Imbruvica°) et leucémie lymphoïde chronique en première ligne").

L'Agence européenne du médicament (EMA) a considéré que cela permet d'autoriser ce médicament en « traitement des adultes atteints d'une leucémie lymphoïde chronique non précédemment traités » sans condition de stade ou d'évolutivité de la maladie, d'âge ou d'état général du patient, etc. Autrement dit, la firme dispose d'une autorisation en première ligne pour toutes les formes de leucémie lymphoïde chronique. Sans donnée d'évaluation probante pour le justifier, et sur la base d'une évaluation clinique versus un traitement qui n'est la référence que dans une situation parmi d'autres.

Les niches dans lesquelles les firmes évaluent les nouvelles substances ressemblent à des chevaux de Troie. L'évaluation ciblée est parfois une ruse qui permet d'entrer dans la citadelle, à la conquête d'un marché plus large. Et face à ces manœuvres, l'EMA ne joue pas assez son rôle de protection des patients.