France : Transposition de la Directive européenne
2004/27/CE sur le médicament : danger ! | | | |
Le projet de transposition en France fait
craindre des dérives majeures. Le calendrier serré et le processus
peu démocratique (passage par ordonnance) appellent à la plus grande
vigilance. |
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Pour en savoir
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Projet de loi(pdf,
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Projet Ordonnance(pdf, 226 Ko)
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Ordonnance
- Rapport au Président de la République (pdf, 109 Ko)
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Nous avons fait un point dans le numéro de décembre 2005
sur le retard de la France à transposer la Directive 2004/27/CE, qui a
modifié de manière notable le cadre législatif européen
dans le domaine du médicament (1). Six mois après la date limite
de transposition, la France est toujours en retard, mais un projet de transposition
a été élaboré par le ministère de la santé.
Il
s'agit d'un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit
communautaire (alias loi DDAC) et d'un projet d'ordonnance (2,3). Le projet de
loi devrait être examiné au Parlement puis au Sénat d'ici
l'été 2006, et il prévoit qu'une part importante de la transposition
passe par l'ordonnance. Celle-ci pourrait être signée aussitôt,
seulement après avis du Conseil des ministres et du Conseil d'État.
Loi de transposition : des oublis majeurs sur la
transparence de l'Afssaps Le projet de loi porte principalement sur
la définition du médicament et l'autorisation de mise sur le marché,
et paraît respecter l'esprit de la Directive sur ces points. Il comporte
en outre une section intitulée "transparence" modifiant le Code
de la santé publique (CSP) pour ce qui concerne l'Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Mais
tandis que l'article 126 ter de la Directive exige que l'Afssaps rende publics
l'ordre du jour de ses réunions (de commissions et groupes de travail),
les comptes rendus assortis des décisions prises, le détails des
votes, etc., le projet de loi ne fait que modifier légèrement la
loi française relative aux rapports d'évaluation de l'Afssaps et
aux conflits d'intérêts (articles L.5311-1 et L.5323-4 du CSP). Le
projet de transposition est donc très incomplet sur ce point majeur, qui
conditionne la crédibilité de l'Agence.
Ordonnance
: l'encadrement des patients par les firmes pharmaceutiques ! On ne
trouve dans le projet actuel de transposition par ordonnance aucune des mesures
très attendues par les patients et les soignants : indépendance
du financement des activités de pharmacovigilance de l'Agence, obligation
de tester le contenu des notices par des patients, de faire figurer les DCI sur
les boîtes de médicaments même quand ils contiennent jusqu'à
3 principes actifs, etc. Ces points relèvent certes du domaine réglementaire,
et pas du domaine législatif, mais on ne voit pour l'instant aucun projet
de décret les concernant. Il faudra donc veiller à ce qu'ils ne
soient pas oubliés, et à ce que la transposition soit complète.
Mais
le plus grave dans le projet d'ordonnance est l'introduction d'un sujet qui n'existe
pas dans la Directive ! Serait ainsi créé de toutes pièces
un chapitre du code de la santé publique intitulé : "Encadrement
des programmes d'observance".
Pour bien comprendre la nature de ces
"programmes d'observance", le mieux est de se reporter au Rapport au
Président de la République qui accompagne le projet d'ordonnance
et en explique le contenu (4).
La lecture des justifications de ce chapitre
est consternante : « La section 4 concerne les programmes d'aide à
l'observance d'un traitement médicamenteux et les autres programmes d'accompagnement
individualisé des patients qui sont proposés par des entreprises
pharmaceutiques en appui à des traitements, notamment pour des médicaments
d'utilisation complexe et au long cours, et qui constituent des nouveaux modes
d'information et de soutien aux patients. Ils sont initiés par le médecin
lors de la consultation et visent à favoriser l'observance par le patient
ou à l'accompagner à travers différents dispositifs individualisés
(relance téléphonique, numéro vert, éducation personnalisée
pour les patients, envoi d'infirmiers à domicile, etc.).
Ces programmes
peuvent avoir un impact positif en favorisant le bon usage des médicaments.
Il est cependant nécessaire de les encadrer afin de garantir qu'ils poursuivent
un objectif de bon usage du médicament, qu'ils respectent les exigences
éthiques en matière de consentement des patients et qu'ils sont
effectués conformément aux données de l'AMM du médicament. Si
ces programmes ne sont pas assimilables à de la publicité, il convient
néanmoins de les encadrer. Cet article vise en conséquence à
définir un encadrement spécifique pour ces programmes en précisant
notamment qu'ils sont soumis à une autorisation préalable de l'Afssaps
et en prévoyant les sanctions susceptibles d'être prises à
l'encontre des entreprises qui ne respecteront pas ces dispositions ».
Et
la phrase qui suit clarifie bien l'intention : « Ces dispositions sont
conformes aux orientations données par la Commission européenne
lors de la négociation de la révision pharmaceutique, qui visaient
à admettre plus largement la possibilité pour les firmes pharmaceutiques
de faire de l'information sur des sujets de santé ». Les
auteurs du projet d'ordonnance ne manqueront pas de faire valoir que certaines
firmes ont d'ores et déjà lancé de tels programmes, et
qu'il faut donc les "encadrer", alors qu'il est parfaitement justifié
de les interdire purement et simplement. L'amalgame sera peut-être fait
avec les études de suivi demandées par la Commission d'autorisation
de mise sur le marché ou celle de la transparence, alors que ces études
visent essentiellement à pallier les insuffisances de l'évaluation
initiale des médicaments.
En somme Le
projet de transposition ne tient aucun compte des exigences majeures imposées
par la Directive en matière de transparence. Mais de surcroît, il
vise à introduire dans le droit français le "coaching"
des patients par les firmes pharmaceutiques qui vendent les médicaments,
jusqu'à l'envoi de "contrôleurs" à domicile. Il
s'écarte ainsi totalement de l'esprit de la Directive.
Attention,
danger !©La revue Prescrire 1er avril 2006 Rev
Prescrire 2006 ; 26 (271) : 257. _________ Références
1- Prescrire Rédaction "Transposition de la Directive 2004/27/CE
sur le médicament : la France en retard" Rev Prescrire 2005 ; 25 (267)
: 817-818. 2- Direction générale de la santé/SD3 "Projet
de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire"
14 décembre 2005 : 9 pages. 3- Direction générale de la
santé/SD3 "Ordonnance - Titre 1er : Dispositions relatives aux médicaments
à usage humain" 14 décembre 2005 : 8 pages. 4- Direction
générale de la santé/SD3 : "Ordonnance n° - Rapport
au Président de la République" 14 décembre 2005 : 9
pages. | | | |
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