Le cadre législatif européen
du médicament, publié le 30 avril 2004, fixe le niveau des garanties
apportées aux citoyens de l'Union européenne en matière d'autorisation
de mise sur le marché (AMM), de surveillance des risques et d'information
sur le médicament. |
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Voici les points les plus importants, pour les patients
et les soignants, de la nouvelle Directive et du nouveau Règlement, en
comparant pour chaque point le nouveau texte à celui précédemment
en vigueur, et en précisant le cas échéant les mesures les
plus dangereuses qui ont été évitées. Transparence
des agences : des obligations sans précédent La
principale nouveauté réside dans les obligations des agences du
médicament en matière de transparence, introduites dans la Directive
et le Règlement européen grâce au travail du Collectif Europe
et médicament. Ce point n'était pratiquement pas abordé dans
les textes en vigueur antérieurement.
Indépendance
des agences : de petits progrès Le financement des agences
chargées du médicament est aujourd'hui majoritairement constitué
des redevances payées directement par les firmes pharmaceutiques, notamment
pour l'examen de leurs demandes d'AMM. Les spécialistes qui travaillent
auprès de ces agences étant par ailleurs souvent impliqués
dans l'évaluation des médicaments pour le compte des firmes, l'influence
des firmes sur les agences est considérable. Dans les textes réglementaires
jusqu'à présent en vigueur, la question des conflits d'intérêts
était peu abordée : absente de la Directive, elle figurait
succinctement dans un article du Règlement. Évaluation
des médicaments : discrète apparition de la "valeur thérapeutique
ajoutée" Jusqu'à présent, les seuls critères
retenus pour permettre la commercialisation d'un médicament étaient
sa "qualité pharmaceutique", son "efficacité"
et sa "sécurité d'emploi". Pas de changement dans ce domaine :
il n'est toujours pas exigé d'évaluation clinique comparative, visant
à déterminer si le nouveau médicament apporte un progrès
thérapeutique (alias "valeur thérapeutique ajoutée"),
pour le patient, par rapport aux traitements de référence déjà
disponibles, médicamenteux ou non médicamenteux. AMM : le pire a été évité
Jusqu'à
présent, la procédure européenne centralisée d'AMM
n'était obligatoire que pour les médicaments fabriqués par
biotechniques. La procédure nationale restait la plus couramment utilisée,
avec de plus en plus souvent une reconnaissance mutuelle des AMM nationales entre
États, procédure à la réglementation peu précise,
et en pratique très opaque. Un délai de 210 jours devait être
respecté pour l'examen des dossiers de demande d'AMM. Les AMM devaient
faire l'objet d'un renouvellement quinquennal pour qu'un médicament puisse
rester sur le marché. Tous ces points ont fait l'objet de modifications
importantes. Étiquetage
et notice mieux conçus pour les patients L'étiquetage
des médicaments était jusqu'à présent très
réglementé, mais surtout en vue de protéger les firmes et
les agences en cas d'accident dû au médicament. Les parlementaires
européens ont déposé de nombreux amendements en faveur d'un
étiquetage plus informatif pour les patients. Et malgré beaucoup
de réticences d'autres intervenants, certains amendements ont été
retenus. Publicité
: pas directement auprès du public pour les médicaments de
prescription Jusqu'à présent interdite en Europe, mais
installée dans d'autres pays, la publicité directe auprès
du public pour les médicaments de prescription (alias "direct to consumer
advertising", DTCA) a failli être autorisée. C'était
le vu des firmes, et la Commission européenne avait élaboré
une proposition tendant à légaliser la publicité déguisée
pour l'occasion en "information" du public. La forte opposition
des députés et de la plupart des ministres a permis de maintenir
l'interdiction de la publicité pour les médicaments de prescription.
Comme auparavant, elle ne s'applique pas « aux campagnes de vaccination
faites par l'industrie et approuvées par les autorités compétentes
(
) » (D article 88). Pharmacovigilance
: encore trop d'opacité et peu d'attention portée au rôle
des patients La Directive et le Règlement 2004 ne changent pas
fondamentalement le système actuel de pharmacovigilance, et apportent surtout
des précisions sur la collaboration entre États membres dans ce
domaine. Quelques acquis positifs sont toutefois à noter, ainsi que des
carences. Protectionnisme
industriel : la victoire des firmes Les moyens mis en uvre
par les firmes pharmaceutiques pour allonger le plus possible la protection de
leurs médicaments contre les copies sont variés. Avant la Directive
et le Règlement 2004, la "protection des données" issues
des essais cliniques était de 6 ans dans environ la moitié des 15
États membres de l'Union européenne, et de 10 ans dans les autres
(dont la France). Et
aussi Il n'est pas possible de détailler ici tous les chapitres
de la Directive et du Règlement 2004. Notons simplement quelques autres
nouveautés. Veiller
à la transposition de la Directive en droit français et à
l'application du Règlement La victoire des firmes pharmaceutiques
a été large en matière de protectionnisme, mais ceux qui
s'étaient mobilisés dans l'intérêt des patients ont
été entendus dans de nombreux autres domaines. Reste à s'assurer
de l'application réelle des nouveaux textes. ©La
revue Prescrire 1er juillet 2004 |