Pendant
des siècles, la composition des médicaments est restée
secrète : on avalait les Pilules du Docteur X ou la
Potion de la Pharmacie Y en sachant simplement qu'elles étaient
censées faire du bien au ventre ou à la gorge, mais
en ignorant ce qu'elles contenaient et à quelle dose.
Au
cours du XXe siècle, dans les différents pays d'Europe,
les réglementations ont été renforcées
pour que l'étiquetage des médicaments devienne informatif.
La même volonté de clarification a eu lieu pour la
plupart des biens de consommation, à commencer par les aliments
pré-emballés.
Dès
lors, les "remèdes secrets" ont été
interdits, c'est-à-dire ceux dont l'étiquetage ne
mentionne pas la nature des substances actives, ni leur dosage.
L'obligation est aussi apparue d'accompagner les médicaments
d'une notice comportant ces mêmes mentions, et beaucoup d'autres
informations.
Autre
étape décisive pour l'information des patients :
la création dans les années 1950, par l'Organisation
Mondiale de la Santé (OMS), du système des dénominations
communes internationales (DCI). Ces dénominations, recommandées
par l'OMS, permettent de désigner précisément,
avec un même mot dans tous les pays du monde, une substance
pharmaceutique. Les DCI constituent un langage commun, scientifique,
grâce auquel les patients peuvent savoir exactement ce qui
leur a été prescrit par le médecin ou conseillé
à la pharmacie, ou si deux médicaments aux noms de
marque différents contiennent la même substance.
La
DCI est logiquement devenue le langage utilisé sur l'étiquetage
et sur la notice des médicaments. Pendant plus d'un demi-siècle,
on a ainsi disposé en Europe de médicaments accompagnés
d'une information précise sur leur composition. L'harmonisation
de la réglementation européenne, à partir des
années 1970, a confirmé ces règles, assurant
ainsi un haut niveau de protection aux consommateurs.
En
2003, la dénomination commune internationale est plus que
jamais d'actualité en Europe, notamment à l'heure
de l'essor des médicaments génériques. À
l'occasion de la révision en cours de la Directive et du
Règlement relatifs au médicament, les députés
européens ont voté en première lecture des
amendements visant à ce que la DCI des substances actives
contenues dans un médicament soit systématiquement
mentionnée sur les conditionnements, quel que soit le nombre
de ces substances.
De
manière stupéfiante, ces amendements n'ont pas été
retenus dans les textes proposés en deuxième lecture
au Parlement. Si la position commune du Conseil était adoptée,
les firmes pharmaceutiques auraient le droit de ne pas faire figurer
sur l'emballage des médicaments (boîte et notice) la
dénomination commune internationale des substances actives
présentes dans le médicament dès lors que celui-ci
contient plus d'une substance active.
Ainsi,
un médicament antihypertenseur qui associe deux substances
actives pourrait n'être désigné que par son
nom de marque, aussi éloigné soit-il des noms des
substances concernées. De même pour un contraceptif
associant un estrogène et un progestatif (et pourtant toutes
ces substance ne se valent pas en termes de risque), ou encore pour
une association de plusieurs vitamines qui peut aussi contenir du
fer, du fluor, etc. Bref, on en saurait moins sur une boîte
de médicament que sur un paquet de flocons de céréales.
Une
telle disposition serait un non-sens. On veut croire qu'il s'agit
d'une erreur, qu'il est grand temps de corriger.
Les
éléments du conditionnement d'un médicament
(boîte et notice) doivent mentionner toutes les substances
actives contenues dans le médicament et leur dosage. Il est
temps en 2004 de mettre un terme aux "remèdes secrets"
du Moyen Âge. Les firmes pharmaceutiques veulent promouvoir
leurs marques, mais les patients veulent une information sérieuse
sur le contenu de leurs médicaments.
Autre
disposition inacceptable : l'absence de DCI sur les publicités
de rappel. La proposition actuelle de Directive autorise les firmes
à mentionner seulement le nom de marque sur les publicités
dites "de rappel " pour les médicaments.
Certes
ces publicités visent à marteler le nom de marque
jusqu'à ce que le prescripteur, ou les patients s'il s'agit
d'automédication, le retiennent et l'utilisent par réflexe.
Mais serait-il raisonnable d'accepter qu'ils soient poussés
à utiliser un médicament sans même savoir ce
qu'il contient ? Il ne s'agit ni d'une savonnette, ni d'une
paire de chaussettes. Les publicités de rappel sont déjà
légalement dispensées d'un grand nombre de mentions,
y compris celles relatives aux dangers du médicament concerné.
Il faut qu'elles comportent au moins la dénomination commune
internationale de toutes les substances actives contenues dans le
médicament.
Non
à la publicité pour des "remèdes secrets"
en 2004. Les firmes veulent imposer leurs marques. Mais les professionnels
de santé et les patients veulent une information sérieuse.
©Le Collectif Europe et Médicament
1er novembre 2003
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