Le Palmarès 2021 du conditionnement

Quand Prescrire évalue la balance bénéfices-risques d'un nouveau médicament, ou étudie de près la praticité de médicaments, le conditionnement est un des éléments analysés. Assure-t-il la sécurité des patients et de leur entourage ? Certains éléments qui le composent, ou leur absence, sont-ils sources d'erreurs ou de dangers ? Permet-il une utilisation pratique du médicament et une mesure précise de la dose ?

L'analyse du conditionnement tient compte de nombreux paramètres : situation clinique ; patients concernés, en particulier femmes enceintes, enfants, personnes âgées ; entourage ou aidants éventuellement impliqués dans la préparation et l'administration ; contexte des soins (urgence ; hôpital ; en ambulatoire dans le cadre d'une prescription, d'un conseil pharmaceutique, d'un achat via internet) ; avec ou sans l'intervention d'un infirmier ; etc.

Tous les aspects du conditionnement sont analysés sous l'angle de la qualité des soins et de la sécurité des utilisateurs et de leur entourage, notamment : la lisibilité des dénominations communes internationales (DCI) et la différenciation des dosages au sein d'une gamme ; la clarté des informations présentées sous forme de schémas, plans de prise, pictogrammes ; les dispositifs pour préparer, mesurer et administrer les doses ; le risque pour une personne, notamment un enfant, d'ingérer le médicament à l'insu de son entourage ; l'intérêt informatif et pédagogique des notices, notamment les parties qui concernent les instructions d'utilisation, les effets indésirables, les situations et groupes de patients à risques particuliers.

Le Palmarès du conditionnement présenté ci-dessous porte sur les conditionnements de médicaments analysés par Prescrire au cours de l'année 2021.

 PALMES 2021 DU CONDITIONNEMENT

Des conditionnements bien conçus pour des situations d'urgence

Baqsimi° poudre pour pulvérisation nasale (glucagon) Lilly (n° 455)

Baqsimi° est une poudre à base de glucagon, pour administration par voie nasale, dans un pulvérisateur unidose prêt à l'emploi (lire page 84). Lors d'une hypoglycémie avec perte de conscience chez un patient diabétique traité par insuline, le conditionnement de Baqsimi° facilite l'emploi du glucagon par un tiers. La DCI est visible sur tous les éléments du conditionnement. Un tube plastique contient le pulvérisateur, ce qui le protège et facilite son transport dans une poche ou un sac. Les instructions sur ce tube, accompagnées de schémas, sont bienvenues pour aider l'entourage à utiliser correctement le pulvérisateur. La manipulation de ce dernier est simple, ce qui facilite l'administration du glucagon par rapport à l'injection, intramusculaire ou sous-cutanée, nécessaire avec les autres spécialités contenant du glucagon commercialisées en France.

Nyxoïd° solution pour pulvérisation nasale (naloxone) Mundipharma (n° 457)

La naloxone, par voie nasale ou en injection, est un antidote essentiel en cas de surdose d'opioïde. Nyxoïd° est une solution à base de naloxone, pour administration par voie nasale, dans des pulvérisateurs unidoses prêts à l'emploi. La mention explicite sur la boîte « Pour surdosage aux opioïdes (comme l'héroïne) », et la DCI visible permettent d'identifier clairement le médicament et son contexte d'utilisation. Les messages « ne pas tester avant utilisation » sur l'emballage des pulvérisateurs, et « ne pas amorcer ou tester » sur la boîte, sont utiles pour conserver la dose intacte avant l'utilisation. Les illustrations sur l'emballage des pulvérisateurs, rappelant la conduite à tenir en cas de surdose d'opioïde et comment administrer ce médicament, aident à réagir face à cette situation d'urgence vitale.

La notice est compréhensible et lisible, avec des schémas explicites concernant les modalités d'administration de ce médicament.

 CARTONS ROUGES DU CONDITIONNEMENT

Insécurité face au risque d'ingestion accidentelle par un enfant

Ayvakyt° comprimés (avapritinib) Blueprint Medicines (n° 454) ; Vitrakvi° gélules (larotrectinib) Bayer (n° 448)

Ces cytotoxiques sont conditionnés en flacons-vrac. Contrairement aux plaquettes unitaires prédécoupées, le conditionnement en flacons-vrac ne permet pas l'identification certaine des comprimés ou gélules une fois placés dans un pilulier. Par ailleurs, les flacons-vrac exposent à une dissémination de leur contenu, d'où une augmentation du risque d'une prise accidentelle par une autre personne, en particulier par un enfant. Même munis d'un bouchon-sécurité, ces flacons ne protègent pas suffisamment contre ce danger potentiellement grave.

Biocalyptol° et Biocalyptol sans sucre° sirops (pholcodine) Zambon ; Dimétane sans sucre° sirop (pholcodine) Biocodex ; Pholcodine Biogaran° sirop (pholcodine) Biogaran (n° 456) ; Dogmatil° solution buvable (sulpiride) Sanofi Aventis ; Largactil° solution buvable (chlorpromazine) Sanofi Aventis ; Loxapac° (a) solution buvable (loxapine) Eisai ; Neuleptil° solutions buvables (propériciazine) Sanofi Aventis ; Nozinan° solution buvable (lévomépromazine) Sanofi Aventis (n° 457)

Les flacons de ces formes buvables multidoses sont dépourvus de bouchon-sécurité. Un bouchon simple ne protège pas suffisamment les enfants. Ceux-ci ont un accès facile au contenu du flacon et sont exposés aux effets indésirables des substances qu'ils contiennent.

Des défauts exposant à des erreurs dans la préparation de la dose

Nubeqa° comprimés (darolutamide) Bayer (n° 451)

La posologie de cet antiandrogène est de 600 mg deux fois par jour. Le prédécoupage de la plaquette délimite un ensemble de quatre alvéoles, contenant chacune un comprimé de 300 mg de darolutamide. Une seule mention « Nubeqa° 300 mg » recouvre les 4 alvéoles. Cet étiquetage défectueux peut conduire à la prise de 8 comprimés (soit 2 400 mg) au lieu de deux (soit 600 mg).

Rovalcyte° poudre pour solution buvable (valganciclovir) Roche (n° 454)

Depuis mi-2021, des seringues doseuses graduées en millilitres sont fournies avec la poudre pour solution buvable, en remplacement des seringues doseuses graduées en milligrammes de valganciclovir. Avec une concentration de 50 mg de valganciclovir par ml après reconstitution, les nouvelles seringues doseuses exposent à un risque d'erreur lié au calcul de conversion entre milligrammes prescrits et millilitres à mesurer.

Sinemet° 200 mg + 50 mg comprimés à libération prolongée (lévodopacarbidopa) Organon (n° 455)

Les comprimés de cette spécialité présentent une barre, sans « aucune fonction » selon la notice. Cette barre donne l'impression que les comprimés peuvent être coupés, alors que cela entraîne une modification de la vitesse d'absorption des substances contenues dans cette formulation à libération prolongée. Dans la notice, les passages qui indiquent de ne pas couper les comprimés ne sont pas suffisamment mis en évidence. Aucune mention ne figure sur la boîte pour avertir de ne pas couper ces comprimés à libération prolongée.

Tareg° solution buvable (valsartan) Novartis (n° 447)

Le gobelet et la seringue doseuse présents dans la boîte de cette solution dosée à 3 mg/ml sont gradués en ml. Une confusion entre une dose prescrite en milligrammes et le volume à mesurer entraîne une erreur de dose d'un facteur 3. De plus, le gobelet, annoncé comme "doseur" sur la boîte, n'est pas destiné à la mesure de la dose, mais à recevoir le contenu de la seringue doseuse quand plusieurs prélèvements sont nécessaires pour avoir le volume de solution correspondant à la dose.

Théralène° (b) solution buvable (alimémazine) X.O (n° 457)

Le dispositif doseur permet d'administrer jusqu'à 50 gouttes de solution, soit 50 mg, alors que les posologies préconisées chez l'adulte sont de 10 à 20 mg par jour. Une capacité excessive du dispositif doseur expose à des surdoses et à des abus.

Absence dans les boîtes du matériel nécessaire à l'administration du médicament

Hemlibra° solution injectable (émicizumab) Roche (n° 458)

Ce médicament est commercialisé en solution injectable par voie sous-cutanée, avec 2 concentrations différentes et 4 présentations qui se différencient par la quantité d'émicizumab dans le flacon. La préparation de la dose nécessite souvent le prélèvement de solutions issues de flacons différents, ce qui est source d'erreurs. Les conditionnements ne contiennent aucun matériel pour la préparation et l'injection, alors que l'administration a lieu aussi en dehors de l'hôpital. Une présentation en stylo injecteur permettant de sélectionner la dose en mg aurait été plus pratique et moins risquée.

Hepcludex° poudre pour solution injectable (bulévirtide) Gilead Sciences (n° 453)

Ce médicament est commercialisé en poudre pour solution injectable par voie sous-cutanée, en flacons unidoses. Le matériel nécessaire pour la reconstitution de la solution et pour son injection est absent du conditionnement. Pour un médicament qui s'injecte tous les jours, parfois sur une longue période, une présentation prête à l'emploi rendrait service aux patients.

Vitrakvi° solution buvable (larotrectinib) Bayer (n° 448)

Il n'y a aucun dispositif doseur dans la boîte de ce médicament présenté en flacon de solution buvable multidoses. Les professionnels de santé ont à fournir un adaptateur et une seringue graduée en ml adaptée à la dose prescrite, afin d'assurer au mieux la mesure précise et sans erreur de la dose.

Des notices qui font sous-estimer les risques

Aklief° crème (trifarotène) Galderma (n° 449)

Les mentions dans la notice sont insuffisantes pour alerter sur les risques auxquels expose ce rétinoïde pendant la grossesse et sur l'importance d'assurer une contraception efficace pendant le traitement. Quelle que soit la voie d'administration, la tératogénicité des rétinoïdes impose l'information la plus complète possible des patientes, y compris dans les notices, pour protéger les enfants à naître.

Rhinofébral Jour/Nuit° sachets (paracétamolacide ascorbiquemaléate de phéniramine) Johnson & Johnson santé beauté (n° 448)

La notice de ce médicament ne contient pas suffisamment d'information quant aux risques hépatiques liés à une surdose de paracétamol. Malgré la mention sur la boîte « surdosage = danger », les patients ne sont pas informés de la nature du danger et des symptômes qui doivent faire penser à une intoxication par le paracétamol.

©Prescrire

Notes

a- Malgré le résumé des caractéristiques (RCP) daté du 27 septembre 2021 sur le site de l'ANSM indiquant la présence d'un bouchon-sécurité, les flacons de 30 ml de Loxapac° disponibles en officine en date du 16 décembre 2021 en sont toujours dépourvus.

b- Malgré le RCP et la notice datés du 10 juin 2021 sur le site de l'ANSM indiquant la présence d'un dispositif doseur gradué à 5 mg, 10 mg, 15 mg et 20 mg d'alimémazine, la seringue doseuse présente dans les boîtes de Théralène° disponibles en officine en date du 16 décembre 2021 est en réalité graduée en gouttes, de 5 à 50 gouttes par intervalles de 5 gouttes.