Une dizaine d'essais
comparatifs randomisés, sur environ 530 000 femmes, ont évalué
le dépistage du cancer du sein par mammographies dans la population générale.
La plupart sont de fiabilité médiocre, en raison de problèmes
de méthode. Aucun essai n'a cherché à montrer un effet du
dépistage sur la mortalité totale. L'efficacité
du dépistage sur la mortalité par cancer du sein reste incertaine.
Selon une hypothèse optimiste qui a pris en compte, entre autres, des essais
de fiabilité méthodologique médiocre, il faudrait inviter
au dépistage entre 700 et 2 500 femmes pour éviter un décès
par cancer du sein, au bout de 14 ans. Le
dépistage par mammographies n'a pas diminué le nombre d'ablations
complète du sein, alias mastectomie totale. Des essais comparatifs randomisés
et des études d'observation ont même montré une augmentation
des ablations complètes du sein. En France, les conséquences du
dépistage sur l'évolution des traitements agressifs n'ont pas été
étudiées. Le
dépistage mammographique détecte un grand nombre de cancers du sein,
mais environ 25 % des cancers restent diagnostiqués entre deux sessions
de dépistage ("cancers de l'intervalle") ; cette proportion est
très variable d'une étude à l'autre. Les
techniques actuelles et les seuils retenus pour l'identification d'anomalies mammographiques
détectent des cancers de petite taille, dont environ 25 % sont très
probablement pas ou peu dangereux : en majorité des cancers in situ.
Les femmes concernées ne tirent aucun bénéfice de ces diagnostics,
dits diagnostics par excès, alors qu'ils sont à l'origine d'examens
complémentaires et de traitements, parfois agressifs (chirurgie, rayons,
etc.), avec leurs effets indésirables. Les
effets indésirables les plus fréquents du dépistage mammographique
sont l'inconfort et la douleur, passagère et modérée, au
cours de l'examen. En cas d'anomalie détectée à la mammographie
de dépistage, dans environ 60 % des cas en France, un diagnostic de
bénignité est posé après des examens plus ou moins
invasifs. L'irradiation répétée des seins est elle-même
vraisemblablement à l'origine de quelques cas de cancers du sein, ce qui
incite à limiter la fréquence des mammographies et à ne pas
les commencer trop tôt. En
pratique, dans la population générale sans risque particulier, avant
l'âge de 50 ans, le dépistage du cancer du sein par mammographies
n'apporte aucun bénéfice démontré. La balance penche
du côté des effets indésirables : surtout les faux positifs
avec l'angoisse et les explorations qu'ils entraînent, et l'irradiation
répétée des seins. Pour autant, lorsque d'autres bénéfices
sont attendus (levée d'une angoisse du cancer par exemple), ces effets
indésirables peuvent être jugés acceptables, et une mammographie
de dépistage proposée. Entre
50 ans et 69 ans, l'efficacité du dépistage actuel est, au mieux,
de faible ampleur. Environ 25 % des cancers détectés ne sont pas
graves et n'auraient jamais été symptomatiques. Certains cancers
du sein non détectés par la mammographie, le sont par l'examen clinique.
On ne sait pas si le dépistage mammographique est plus efficace qu'un examen
clinique annuel des seins. Si la décision est prise de réaliser
des mammographies de dépistage, les meilleures conditions sont généralement
celles du dépistage organisé, avec contrôle de sa qualité.
Au-delà
de l'âge de 70 ans, on manque de données d'évaluation suffisantes
pour proposer un dépistage par mammographies. ©La
revue Prescrire 1er octobre 2007 Rev Prescrire 2007 ; 27 (288) :
758-762. |