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Les fiches du Collectif Europe et Médicament
 
Pourquoi faut-il laisser du temps aux experts des agences du médicament chargés d'évaluer les nouveaux médicaments ?
Fiche n°1
15 juillet 2002

Ne pas donner le temps nécessaire aux experts conduit à prendre des décisions hasardeuses.

Pour un usage optimal des médicaments, il faut tenir compte de toutes les données disponibles et accorder les autorisations de mise sur le marché en toute connaissance de cause.

Seules les situations exceptionnelles où des patients sont en impasse thérapeutique justifient l'octroi d'autorisations accélérées.

C'est pourquoi le Collectif Europe et Médicament appelle dans sa proposition d'amendements au projet de Directive et de Réglementation à renforcer l'évaluation avant les AMM et à laisser aux experts le temps nécessaire à une évaluation rigoureuse et indépendante.

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Collectif Europe et médicament
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Le dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un médicament déposé par une firme pharmaceutique comprend des données sur la qualité pharmaceutique du médicament, des données d'évaluation chez l'Animal, et des données d'évaluation chez l'Homme.Ces données sont sélectionnées par la firme qui demande l'AMM. La firme veut logiquement donner l'impression la plus favorable de son médicament. Le plus souvent, les essais cliniques chez l'Homme n'ont été conçus que pour montrer que le médicament est aussi efficace que les traitements déjà existants (sachant que la réglementation actuelle n'oblige pas montrer plus qu'une équivalence).

La pression est très importante vu les enjeux financiers. Les experts qui examinent ces données doivent donc le faire avec beaucoup de compétence et de perspicacité pour tenir compte des biais éventuellement introduits par la firme et pour aboutir à un jugement indépendant. En outre, ils devraient être en mesure d'examiner les autres données que l'entreprise n'a pas fournies, du moins celles qui sont accessibles dans la littérature scientifique, dans les agences des autres pays du monde, dans les organismes indépendants d'évaluation, dans les organismes de pharmacovigilance, etc.

L'exemple récent du célécoxib (CELEBREX°) est édifiant de ce point de vue. Pour présenter son médicament comme ayant moins d'effets indésirables digestifs graves que ses concurrents, et obtenir une modification d'AMM dans ce sens, la firme a fait publier dans une revue renommée (le JAMA) une version favorable des résultats d'un essai. L'examen approfondi des données par l'agence américaine (FDA) a montré que la version publiée avait déformé le protocole de l'essai, tronqué les résultats en se tenant à la période de l'essai la plus favorable au médicament, en omettant les résultats finaux, etc. Au total, l'AMM n'a heureusement pas été modifiée, mais cela a demandé du temps et de l'expertise.

Ce travail essentiel de documentation, d'analyse et de comparaison des données, est loin d'être systématiquement réalisé de façon complète aujourd'hui dans le délai de 210 jours prévu pour l'octroi des AMM. Dans les faits, les experts disposent en général d'à peine deux mois à l'intérieur de ce délai, et les agences ne leur fournissent généralement pas d'autre documentation que celle transmise par les firmes.

Une fois l'analyse d'un dossier réalisée, les experts rendent leur rapport, et la Commission chargée de donner un avis sur le médicament doit réfléchir à partir de ce rapport avant de recommander l'usage du médicament. Les limites d'utilisation, voire les contre indications, chez certains types de patients (personnes âgées, personnes qui ont un foie, des reins ou un cœur qui fonctionnent mal, …) constituent un exemple de cette difficulté à statuer. Elles démontrent combien la rigueur et du temps sont nécessaires, surtout devant la pauvreté des données.