Revue Prescrire, article en une, Erruers en médecine prévention septembre 2003
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Intrarachidiennes et épidurales :
Prévenir le risque d'erreur d'administration de médicaments
 
La prévention des erreurs médicamenteuses, aux conséquences parfois très graves, liées à l'administration des médicaments par voies intrarachidienne ou épidurale, est possible et nécessaire.
 
Les propositions de la revue Prescrire

Les cas rapportés et analysés permettent de repérer les facteurs favorisant ce type d'erreur médicamenteuse. Il est ainsi possible de dégager des pistes pour éviter que de telles erreurs d'administration ne se reproduisent ou, tout au moins, pour réduire la fréquence et la gravité de ce risque encouru par les patients.
Aucune mesure n'est capable, à elle seule, de prévenir de tels accidents. Voici nos suggestions, d'ici à ce que les différents acteurs du système de santé concernés par l'administration de médicaments par voies intrarachidienne ou épidurale, élaborent collectivement des recommandations dont la portée sera à la hauteur du consensus obtenu.

Propositions aux professionnels et aux établissements de santé

Disposer de référentiels thérapeutiques solides, régulièrement actualisés, en veillant à ce que les protocoles de chimiothérapie anticancéreuse distinguent clairement les moments d'administration des médicaments par voie intraveineuse et par voie intrarachidienne. Réorganiser les protocoles pour supprimer les administrations simultanées intrarachidiennes et intraveineuses.

Isoler l'acte d'administration par voie rachidienne ou par voie épidurale, et établir une séparation totale entre les médicaments à administrer par ces voies et les autres médicaments injectables. Pratiquer les injections intrarachidiennes dans une salle de soins particulière où aucune autre voie d'administration n'est employée. À défaut, identifier très clairement les sites d'injection par voie rachidienne ou par voie épidurale.

Toujours administrer les médicaments destinés à la voie intraveineuse, et qui peuvent être vecteurs d'une erreur, avant les doses intrarachidiennes. Ne délivrer les médicaments à administrer par voie intrarachidienne qu'après avoir vérifié que les injections intraveineuses prévues ont été faites.

Pratiquer les injections intrarachidiennes à un horaire standardisé, caractéristique.

N'administrer que des médicaments parfaitement identifiés. Vérifier attentivement leur étiquette avant l'emploi.

Ne pas déconditionner les spécialités pharmaceutiques injectables dans des cupules. Exiger des firmes pharmaceutiques et des pharmaciens la mise à disposition de présentations en conditionnement unitaire, stériles, prêtes à l'emploi.

Ne pas préparer de médicament à administrer par voie intrarachidienne ou par voie épidurale dans les unités de soins. Faire préparer par la pharmacie les seringues destinées aux voies intrarachidienne ou épidurale séparément des autres injections.

Séparer les circuits des médicaments à administrer par voie intraveineuse et par voie intrarachidienne dans le temps, dans l'espace et en les confiant à des personnes différentes. Pour cela : délivrer les doses intrarachidiennes dans un container distinct, à un endroit et à un moment différents de ceux prévus pour les cytotoxiques à administrer par d'autres voies, et les stocker dès l'arrivée dans l'unité de soins dans un endroit séparé, comme un réfrigérateur distinct et fermé à clé.

Ne délivrer les doses à administrer qu'au moment nécessaire.

Afficher la liste des médicaments administrables par voie intrarachidienne, partout où elle est pratiquée.

Bannir tout médicament cytotoxique ou neurotoxique des salles de soins, d'examens ou d'intervention où des ponctions lombaires sont pratiquées. Réserver à l'opacification des espaces sous-arachnoïdiens, intrarachidiens et intracrâniens, un produit de contraste iodé non ionique de petit volume et de dénomination distincte des produits de contraste iodés ioniques utilisés par voie intraveineuse.

Retirer des dotations de services hospitaliers tous les médicaments particulièrement à risque : la vincristine sous ses présentations commerciales fortement dosées ; les solutions injectables concentrées de potassium, de sodium et de glucose à 50 % (sauf exceptions, comme pour les soins intensifs et services d'urgence).

Délivrer et administrer la vincristine systématiquement diluée dans du chlorure de sodium à 0,9 % en préférant les poches pour perfusion de chlorure de polyvinyle de 25 ml ou 50 ml aux seringues de polypropylène de 30 ml remplies à 20 ml.

Propositions aux autorités sanitaires


Inclure la gestion des risques liés aux erreurs médicamenteuses dans le dispositif de veille sanitaire.

Établir, en concertation avec les professionnels de santé, des règles de bonnes pratiques médicales, pharmaceutiques et infirmières pour l'administration des médicaments par voie intrarachidienne et par voie épidurale.

En faire évaluer régulièrement la mise en œuvre par les organismes de contrôle sanitaire et d'accréditation.

Contrôler effectivement la sécurité de la préparation, de la détention et de l'administration des médicaments dans les services hospitaliers.

Recenser les spécialités administrées par voie intrarachidienne ou par voie épidurale, et revoir au plus vite leurs autorisations de mise sur le marché, et plus particulièrement leurs indications, l'expression de leurs posologies, leurs conditionnements et la compatibilité de leurs mélanges éventuels.

N'autoriser la mise sur le marché des spécialités indiquées par voie épidurale ou intrarachidienne que si elles ont été correctement évaluées pour ces voies, et si elles sont présentées en conditionnement unitaire stérile, exempt de tout risque de contamination particulaire, de préférence prêtes à l'emploi.

N'autoriser les spécialités pharmaceutiques à base de vincristine que sous forme diluée, de volumes peu compatibles avec une injection intrarachidienne.

Interdire la délivrance de doses individuelles de vincristine à des concentrations supérieures à 0,1 mg/ml.

Modifier les résumés des caractéristiques des produits (RCP) et l'étiquetage des spécialités dangereuses par voie intrarachidienne ou par voie péridurale, en veillant à ce que la contre-indication de ces voies d'administration soit claire et explicite.

Propositions aux firmes pharmaceutiques

Vérifier que l'assurance en responsabilité couvre bien les dommages secondaires à une administration accidentelle par voie intrarachidienne ou par voie épidurale, y compris hors du cadre de l'AMM.

Réévaluer d'urgence tous les médicaments actuellement utilisés "hors AMM" par voie intrarachidienne ou par voie épidurale. Le cas échéant, procéder au dépôt rapide des dossiers d'extension d'AMM pour les présentations adaptées correspondantes.

Réduire les risques d'erreur par la standardisation, notamment établir des posologies standardisées chaque fois que c'est possible, chez l'adulte comme chez l'enfant. Justifier systématiquement l'emploi de posologies variables, source reconnue d'erreurs de calcul, d'unité ou de dilution.

Vérifier que la qualité et la sécurité du conditionnement sont bien adaptées aux voies d'administration et aux posologies prévues par les indications officielles. Concevoir d'emblée des conditionnements sécurisés en fonction des différentes circonstances d'utilisation : stockage, préparation, dispensation, administration, notamment lorsque des technologies particulières sont nécessaires (pompes, programmation, etc.).

Ne plus commercialiser de forme injectable en vrac (ampoules ou flacons multidoses), ce qui revient à confier systématiquement le processus de production galénique aux professionnels de santé.

Mettre à la disposition des professionnels et des établissements de santé des médicaments sous une forme adaptée à leur usage, c'est-à-dire présentés en conditionnement unitaire, stérile, prêt à l'emploi.

©La revue Prescrire 1er septembre 2003
Rev Prescr 2003 ; 23 (242) : 598-599.