Dans une série d'articles publiés en 2015 dans ses numéros 373 et 376, Prescrire a actualisé son analyse de la balance bénéfices-risques du dépistage mammographique des cancers du sein.
En France, on estime que, pour 1 000 femmes âgées de 50 ans, on découvre un cancer du sein dans les 20 ans qui suivent chez environ 72 femmes. Dans les 10 ans qui suivent ce diagnostic, environ 13 femmes meurent à cause de ce cancer, et 4 d'une autre cause.
On estime que, pour 1 000 femmes participant au dépistage pendant 20 ans à partir de l'âge de 50 ans (11 sessions au total) :
- des anomalies évoquant un cancer sont vues environ 1 000 fois (parfois plusieurs fois chez une même femme), et donnent lieu à 150 à 200 examens par ponctions ou biopsies ;
- environ 15 femmes ont un cancer du sein découvert en dehors du dépistage auxquelles elles participent ;
- environ 75 femmes ont un cancer du sein découvert par le dépistage ;
- chez certaines de ces femmes, la découverte plus précoce du cancer permet un traitement moins lourd ;
- entre 0 et 6 femmes évitent une mort par cancer du sein grâce au dépistage ;
- mais au moins 19 femmes sont étiquetées "malades du cancer" et exposées inutilement aux effets indésirables des traitements d'un cancer (chirurgie du sein, radiothérapie, hormonothérapie, chimiothérapie), alors que leur cancer serait resté asymptomatique en l'absence de dépistage.
L'ampleur de ces diagnostics par excès, dits "surdiagnostics", et par conséquent des traitements par excès qui y sont liés, est une information à partager avec les femmes, qui pèse dans la décision de participer ou non au dépistage.
Début 2016, l'US Preventive Services Task Force, organisme public étatsunien d'évaluation de la prévention, a publié une nouvelle analyse des données d'évaluation du dépistage mammographique, concordante avec celle de Prescrire.
Chez les femmes à risque élevé de cancer du sein, notamment en raison de leur histoire familiale, l'absence de certitude concernant les bénéfices, les risques et les modalités optimales du dépistage rendent raisonnables de nombreuses options : dépistage par IRM selon les résultats génétiques et l'analyse généalogique ; et parfois absence de dépistage vu les incertitudes sur les bénéfices et les risques. Ni l'âge de début de surveillance, ni la périodicité des examens éventuels ne reposent sur des données solides.
L'ampleur du risque de cancers du sein chez ces femmes à risque plus élevé que la population générale ne rend pas contraire à l'éthique la réalisation d'essais cliniques randomisés, au contraire. Des essais cliniques comparant les effets de diverses stratégies de dépistage sur des critères cliniques tels que la mortalité totale, la mortalité par cancer du sein, la fréquence des amputations des seins, celle des traitements cytotoxiques, apporteraient les réponses qui font défaut, au lieu de laisser les femmes et les soignants sans éléments solides pour ces décisions importantes.
©Prescrire 14 octobre 2016
Références :
"Dépistage des cancers du sein par mammographie. Première partie.
Essais randomisés : diminution de la mortalité par cancer du sein d'ampleur incertaine, au mieux modeste"
• Peut-être une cinquantaine de morts par cancer du sein évitées pour 10 000 participantes pendant 20 ans, sans effet sur la mortalité totale, ni prise en compte d'éventuelles conséquences mortelles indirectes du dépistage
Rev Prescrire 2014 ; 34 (373) : 837-841.
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"La mortalité par cancer du sein n'est pas tout"
Rev Prescrire 2014 ; 34 (373) : 840.
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"Dépistage des cancers du sein par mammographie. Deuxième partie.
Comparaisons non randomisées : résultats voisins de ceux des essais randomisés"
• N'apportent pas d'élément complémentaire aux résultats des essais randomisés
Rev Prescrire 2014 ; 34 (373) : 842-846.
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"Cancers du sein : une épidémiologie en constante évolution"
Rev Prescrire 2014 ; 34 (373) : 844.
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"Dépistage des cancers du sein par mammographies. Troisième partie.
Diagnostics par excès : effet indésirable insidieux du dépistage"
• En 2015, l'estimation la plus fiable est qu'au moins 25 % des cancers du sein diagnostiqués à l'occasion du dépistage mammographique sont des diagnostics par excès. L'ampleur de cet effet indésirable est à expliquer aux femmes avec les autres éléments de la balance bénéfices-risques
Rev Prescrire 2015 ; 35 (376) : 111-118.
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libre "Partager avec les femmes les informations utiles pour décider ou non de participer au dépistage des cancers du sein"
• Les propositions Prescrire
Rev Prescrire 2015 ; 35 (376) : 115.
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"Estimer la proportion de diagnostics par excès dans le dépistage des cancers"
Rev Prescrire 2015 ; 35 (376) : 117-118.
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"Cancers du sein : bénéfices et risques du dépistage"
Rev Prescrire 2016 ; 36 (395) : 689.
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"Dépistage et risque familial élevé de cancer du sein. Encore plus d'incertitudes que dans la population générale"
• En pratique, l'absence de certitude concernant les bénéfices, les risques et les modalités optimales du dépistage chez les femmes à risque élevé de cancer du sein rendent raisonnables de nombreuses options : dépistage par IRM selon les résultats génétiques et l'analyse généalogique ; et parfois absence de dépistage vu les incertitudes sur les bénéfices et les risques. Ni l'âge de début de surveillance, ni la périodicité des examens éventuels ne reposent sur des données solides
Rev Prescrire 2016 ; 36 (391) : 355-361.
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libre"Dépistage des cancers du sein : concentrer les efforts d'évaluation sur les personnes les plus exposées au risque !"
• Point de vue de la Rédaction
Rev Prescrire 2016 ; 36 (391) : 359.
> Pdf, accès libre
libre"Dépistage des cancers du sein chez les femmes à risque familial : partager les incertitudes"
• Les propositions Prescrire
Rev Prescrire 2016 ; 36 (391) : 361.
> Pdf, accès libre