La dompéridone (Motilium° ou autre) est un neuroleptique utilisé dans les nausées-vomissements banals, avec une efficacité modeste. On sait que les neuroleptiques exposent aux troubles du rythme cardiaque. Depuis 2005, plusieurs études épidémiologiques, néerlandaises et canadienne, ont montré que les morts subites cardiaques sont environ 1,6 à 3,7 fois plus fréquentes en cas d’exposition à la dompéridone.
Fin 2011, l’Agence française du médicament et la principale firme concernée ont informé du risque de mort subite les médecins et les pharmaciens. En mars 2014, l'Agence européenne du médicament doit se prononcer sur la dompéridone, mais il est à craindre qu'elle se contente de préconiser des baisses de posologies ou de durée de traitement. Ces mesures sont insuffisantes pour protéger pleinement les patients et reportent la responsabilité des agences vers les soignants, qui ont assez à faire par ailleurs sans avoir à expliquer aux patients que tel ou tel médicament est autorisé mais à éviter.
Dans ce contexte, Prescrire publie mercredi 19 février un travail que la rédaction a réalisé à partir de données de l'assurance maladie. Selon ces données, environ 7 % des adultes ont reçu au moins une dispensation de dompéridone en 2012, soit environ 3 millions de personnes. En rapprochant ces données et la fréquence des morts subites en France, des hypothèses prudentes rendent vraisemblable qu’environ 25 à 120 morts subites soient imputables à la dompéridone en 2012.
Il est grand temps d'écarter des soins ce médicament qui peut aisément être remplacé par de meilleures solutions pour les patients. En pratique, souvent, les troubles qui motivent la prise de dompéridone disparaissent spontanément, ou avec l’appoint de mesures diététiques. Pour les patients qui souhaitent malgré tout un médicament, un placebo vraiment dénué d’effet nocif est une option. En cas de reflux gastro-œsophagien, un inhibiteur de la pompe à protons tel que l’oméprazole (Mopral° ou autre) est préférable à la dompéridone. Et dans les rares situations où un "modificateur de la motricité" gastrique semble justifié, le métoclopramide (Primpéran° ou autre) est à discuter, mais avec beaucoup de prudence : à posologie minimale, en surveillant de très près ses effets indésirables de neuroleptique. La métopimazine (Vogalène° ou autre) et l’alizapride (Plitican°) n'ont pas d'avantage démontré sur le métoclopramide.
©Prescrire 19 février 2014
"Dompéridone : une approche du nombre de morts subites en France évitables en écartant ce médicament peu efficace" Document Prescrire, 19 février 2014 (pdf, accès libre)