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Covid-19 : remdésivir (Veklury°) autorisé dans l'Union européenne, avec beaucoup d'incertitudes et d'inconnues

covid Dans l'actualité  Début juillet 2020, le remdésivir, un antiviral, a été autorisé dans l'Union européenne chez certains adultes et adolescents atteints de covid-19 dont la gravité justifie un apport en oxygène. Cette autorisation est seulement conditionnelle, au vu d'un dossier très incomplet. La firme doit lever beaucoup d'incertitudes en matière d'effets indésirables et d'efficacité. (13 juillet 2020)

Début juillet 2020, le remdésivir (Veklury°), un antiviral, a été autorisé dans l'Union européenne chez les adultes et les adolescents atteints de covid-19 justifiant un apport en oxygène. Cette autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne est dite conditionnelle, c'est-à-dire qu'elle a été octroyée sur la base de données insuffisantes pour l'obtention d'une AMM "classique", mais rendant plausible l'hypothèse que les dangers de ce médicament soient acceptables vu son efficacité. Autrement dit, les incertitudes concernant ce médicament sont grandes. Il a été demandé à la firme qui le commercialise de fournir de nombreuses données supplémentaires.

Hypersensibilité. Depuis sa commercialisation aux États-Unis d'Amérique au printemps 2020, des réactions d'hypersenbilité lors de la perfusion de remdésivir ont été rapportées. Les symptômes sont notamment des hypotensions ou hypertensions artérielles, des tachycardies ou bradycardies, de la fièvre, une hypersudation, des difficultés respiratoires et des hypoxies, des œdèmes, des atteintes cutanées, des nausées et vomissements. Dans le résumé des caractéristiques (RCP), il est préconisé d'arrêter immédiatement la perfusion si des signes « cliniquement significatifs » évoquant une hypersensibilité apparaissent.

Toxicité hépatique ? Dans le "Plan de gestion des risques" élaborée par la firme et l'Agence européenne du médicament (EMA), une toxicité hépatique du remdésivir est évoquée. Au cours de l'évaluation clinique, des événements indésirables hépatiques graves sont survenus chez des patients recevant du remdésivir, mais toujours dans un contexte d'aggravation de la maladie covid-19 et d'utilisation d'autres médicaments qui ont des effets indésirables hépatiques. Lors d'une étude chez des adultes apparemment en bonne santé, 75 % des personnes qui ont reçu 150 mg de remdésivir durant 14 jours (posologie plus élevée que celle autorisée) ont eu une augmentation transitoire des enzymes hépatiques. Aucune étude clinique n'a été menée chez des patients insuffisants hépatiques, ce qui incite à une surveillance encore plus étroite de la fonction hépatique chez ces patients lors de l'utilisation du remdésivir.

Attention aux reins. Toujours dans le "Plan de gestion des risques", une toxicité rénale du remdésivir est évoquée. Cette toxicité a été montrée dans des études réalisées chez des animaux. Au cours de l'évaluation clinique, les événements indésirables rénaux graves rapportés chez des patients recevant du remdésivir sont survenus dans un contexte d'aggravation de la maladie covid-19 et d'utilisation d'autres médicaments ayant des effets indésirables rénaux. Les formes autorisées de remdésivir (Veklury°) contiennent comme excipient du bétadex sulfobutyl éther de sodium (à raison de 6 g pour 100 mg de remdésivir dans la forme solution, et 3 g pour 100 mg de remdésivir dans la forme poudre), dont l'excrétion est surtout rénale et qui s'accumule en cas d'insuffisance rénale sévère. Les conséquences de l'accumulation de cette substance ne sont pas connues, une toxicité rénale est à envisager.

D'autres inconnues : interactions, etc. À la posologie autorisée, le remdésivir ne semble pas allonger l'intervalle QT de l'électrocardiogramme (cet allongement étant un facteur de troubles graves du rythme cardiaque). Mais aucune étude évaluant l'effet de doses plus élevées du remdésivir sur l'intervalle QT n'a été réalisée chez l'Homme. Une augmentation de cet intervalle en cas de diminution de l'élimination du remdésivir n'est pas écartée.

Aucune étude clinique d'interactions n'a été réalisée avec le remdésivir. In vitro, le remdésivir est un substrat de diverses enzymes (des estérases, des isoenzymes du cytochrome P450, des transporteurs transmembranaires tels que la glycoprotéine P). C'est aussi, selon les enzymes, un inhibiteur ou un inducteur enzymatique. Cela fait prévoir de très nombreuses interactions médicamenteuses d'ordre pharmacocinétique. D'autre part, un "métabolite majeur" a été décelé dans le plasma mais n'a pas été identifié.

Le remdésivir n'a pas été évalué chez des femmes enceintes, et trop peu de données chez des animaux sont disponibles pour prévoir les éventuels effets chez un enfant exposé in utero.

Un essai non terminé lors de l'AMM. Les principales données d'évaluation de l'efficacité du remdésivir chez des patients atteints de covid-19 sont issues d'une analyse intermédiaire d'un essai randomisé, en double aveugle, remdésivir versus placebo durant 10 jours au maximum, chez 1 063 patients, âgés en moyenne de 59 ans. La gravité de la maladie justifiait une hospitalisation, et, pour la plupart des patients, au moins un apport en oxygène. Les groupes remdésivir et placebo, constitués par le tirage au sort, étaient semblables en ce qui concerne les problèmes de santé associés, l'âge et le sexe. Environ 1 patient sur 3 a reçu le remdésivir ou le placebo durant 10 jours, sans différence entre les groupes. Les autres médicaments utilisés n'ont pas été rapportés, notamment l'utilisation des corticoïdes alors qu'une corticothérapie modifie parfois l'évolution en cas de covid-19 grave (lire > ICI). Au moment de l'analyse étayant l'AMM, seulement 2 patients sur 3 avaient terminé l'essai, ce qui diminue le niveau de preuves des résultats.

Quelle efficacité pour les patients gravement atteints ? À partir de cette analyse intermédiaire, la mortalité à 14 jours a été estimée à 7 % dans le groupe remdésivir, versus 12 % dans le groupe placebo. La différence n'est pas statistiquement significative (p = 0,06), autrement dit il y a une probabilité non négligeable que la différence soit due au hasard. La durée médiane avant amélioration clinique (définie surtout par la fin de l'hospitalisation ou l'arrêt de l'apport en oxygène) a été de 11 jours dans le groupe remdésivir versus 15 jours dans le groupe placebo (différence statistiquement significative, p < 0,001). La différence sur ce critère a été rapportée uniquement chez les patients dont l'état à l'inclusion justifiait au moins un apport en oxygène (12 jours versus 18 jours), mais pas chez ceux moins gravement atteints (5 jours, sans différence entre les deux traitements). D'autres analyses n'ont pas montré d'efficacité du remdésivir chez les patients les plus gravement atteints qui, au moment de leur inclusion dans l'essai, recevaient une ventilation, invasive ou non. Chez les patients sous ventilation invasive à l'inclusion, une augmentation de la mortalité avec le remdésivir a même été évoquée.

5 jours ou 10 jours ? Dans un autre essai randomisé, mais non aveugle, deux durées de traitement par remdésivir ont été comparées : 5 jours versus 10 jours, chez 402 patients hospitalisés à cause d'un covid-19 grave, justifiant pour la plupart au moins un apport en oxygène, et âgés en moyenne de 62 ans. Seulement 43 % du groupe "10 jours" ont reçu réellement 10 jours de traitement et 27 % des patients de ce groupe n'ont reçu que 5 jours ou moins de traitement. La mortalité à 14 jours a été de 8 % dans le groupe "5 jours" versus 11 % dans le groupe "10 jours". Ces résultats sont difficiles à interpréter car malgré la répartition par tirage au sort, les patients du groupe "5 jours" étaient moins fréquemment atteints d'une forme grave de covid-19 que ceux du groupe "10 jours", avec, à l'inclusion, 26 % des patients sous ventilation invasive ou non dans le groupe 5 jours, versus 35 % dans le groupe "10 jours". Cependant, il n'est pas exclu qu'un traitement prolongé par remdésivir ait eu un effet délétère. Selon le RCP, le traitement doit durer au minimum 5 jours et au maximum 10 jours.

À suivre. En somme, comme pour tout nouveau médicament et encore plus ceux autorisés par AMM conditionnelle, il y a de nombreuses inconnues autour du remdésivir. Elles concernent à la fois ses effets indésirables et son efficacité au-delà de celle d'un placebo, ce qui incite à la prudence. Des résultats incomplets et fragiles d'un seul essai ont montré une amélioration clinique un peu plus rapide avec le remdésivir, mais uniquement chez des patients dont l'état justifie un apport en oxygène, et sans effet démontré sur la mortalité. En l'état actuel des connaissances, et en dehors du cadre de la recherche clinique, un traitement par remdésivir n'est pas justifié chez les patients dont l'état ne justifie pas un apport en oxygène, ni chez les patients les plus gravement atteints, dont l'état justifie une ventilation invasive.

©Prescrire 13 juillet 2020

Sources :

  • Commission européenne "RCP-Veklury°" 3 juillet 2020 > ICI
  • EMA - CHMP "Public assessment report for Veklury. EMEA/H/C/005622/0000" 25 juin 2020 > ICI
  • EMA - CHMP "Summary of risk management plan for Veklury (Remdesivir)" > ICI
  • "C'est-à-dire ? L'AMM conditionnelle" (n° 441, page 495)
  • Beigel JH et coll. "Remdesivir for the Treatment of Covid-19 - Preliminary Report" N Engl J Med 2020 https://doi: 10.1056/NEJMoa2007764 > ICI
  • Goldman JD et coll. "Remdesivir for 5 or 10 Days in Patients with Severe Covid-19" N Engl J Med 2020 https://doi: 10.1056/NEJMoa2015301 > ICI

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