Cet ouvrage au titre provocateur est en fait une analyse historique documentée de la mise en place des mesures de réduction des risques pour les usagers de drogues en France, mesures visant à diminuer les contaminations infectieuses et les overdoses (1). Il a été réalisé par deux auteurs engagés auprès des toxicomanes depuis de nombreuses années.
Il dresse un panorama des multiples obstacles s'opposant en France à la mise en place d'une politique de réduction des risques : freins politiques, idéologiques, moraux, tels que l'abstinence érigée en dogme absolu, le maintien de la pénalisation de l'usage et l'usager considéré comme un délinquant.
L'ouvrage retrace les grandes périodes de lutte des praticiens de terrain pour faire entendre aux autorités politiques la diversité des usagers de drogues, la complexité des conduites addictives, et leur lien avec les inégalités sociales de santé.
L'arrivée du HIV et du sida au début des années 1980 se traduit par une hécatombe chez les toxicomanes injecteurs, notamment en France. C'est à cette période que la politique de réduction des risques chez les toxicomanes est amorcée avec l'accès aux seringues puis aux médicaments de substitution, permettant une réduction importante du nombre de contaminations et d'overdoses mortelles.
Mais les auteurs soulignent l'ambiguïté de la prise en charge dans la mesure où l'usage de drogues reste réprimé, ce qui laisse un certain nombre d'usagers marginalisés et exclus des soins.
Ils rappellent que c'est en Suisse que sont nées les premières salles d'injection supervisée au milieu des années 1980. Une analyse juridique suisse rendue en 1989 « exprime clairement que le traitement et la réinsertion sociale des personnes dépendantes sont plus importants que la sanction à leur infliger ». Au point qu'en 1991 la Suisse a adopté une nouvelle politique dite des quatre piliers : prévention, thérapie et réintégration, réduction des risques et aide à la survie, répression et contrôle.
Les auteurs abordent ensuite les politiques menées dans d'autres pays, avant de se consacrer en détail à ce que la France a mis en place, ou non, au gré des gouvernements de couleurs politiques diverses, et aux tergiversations autour des risques de banalisation de l'usage, voire de l'incitation à l'usage.
Cet ouvrage est une mine d'informations pour ne pas oublier quelle était la situation des usagers de drogues avant l'instauration des mesures de réduction des risques, et mieux comprendre comment les accompagner, y compris dans l'accès aux salles d'injection supervisée.
©Prescrire 2 octobre 2014
"Prix Prescrire 2014" Rev Prescrire 2014 ; 34 (372) : IV de couverture. (pdf, accès libre)
"Salle de shoot. Les salles d'injection supervisée à l'heure du débat français" Rev Prescrire 2014 ; 34 (365) : 227. (pdf, réservé aux abonnés)
Extrait de la veille documentaire Prescrire.
1- Chappard P et Couteron J-P “Salle de shoot. Les salles d'injection supervisée à l'heure du débat français” La Découverte, Paris 2013 : 203 pages, 12,50 euros. Disponible auprès de l'Appel du Livre.
