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Covid-19 - Année 2020

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Défaut d'accès aux données d'évaluation des médicaments : un problème récurrent, non spécifique du covid-19

covid Dans l'actualité  Une publication rapportant des résultats d'études de pharmacoépidémiologie concernant l'utilisation de l'hydroxychloroquine dans le covid-19 a été retirée. Les raisons avancées sont principalement une absence d'accès aux données brutes à d'autres personnes que certains auteurs. Un problème récurrent, qui n'est pas spécifique de l'évaluation des traitements médicamenteux du covid-19. (8 juin 2020)

Une publication rapportant des résultats d'études de pharmacoépidémiologie concernant l'utilisation de l'hydroxychloroquine (Plaquénil°) dans le covid-19 a été rétractée par ses principaux auteurs, peu après avoir été publiée dans The Lancet. La publication dans le New England Journal of Medicine d'une autre étude chez des patients atteints de covid-19, ayant utilisé la même base de données, a aussi été rétractée. Nous avions rapporté les résultats de ces études le 11 mai et le 3 juin 2020. Ces rétractations nous ont conduits à apporter des précisions à nos analyses (> ICI et > ICI) : les conclusions générales de nos analyses ne sont pas changées, mais ces rétractations réduisent la solidité de la connaissance.

Les principales raisons invoquées par les auteurs pour expliquer ces rétractations sont les limites d'accès aux données brutes analysées, ce qui ne permettait pas de répondre aux critiques de l'étude concernant l'hydroxychloroquine.

L'opacité sur les données brutes de l'évaluation des médicaments est un problème récurrent aux conséquences potentiellement néfastes pour les patients et pour la connaissance sur les médicaments. En 2012, Prescrire interrogeait déjà la communauté scientifique : « Les auteurs hospitalo-universitaires qui signent les comptes rendus de ces essais ont-ils accès aux données brutes pour réaliser leurs analyses ? ». Ainsi, une étude publiée en 2011 avait montré que de nombreux protocoles d'essais cliniques stipulaient que les données appartenaient à la firme ayant financé l'essai. Et sur 39 auteurs ayant répondu à une enquête, 26 seulement avaient déclaré avoir eu accès aux données brutes. Les autres auteurs avaient eu accès à des données déjà plus ou moins travaillées (codées, compilées, analysées, etc.).

L’accès aux données brutes des études cliniques et à celles de pharmacovigilance est le seul moyen d’examiner comment elles ont été codées, colligées et analysées, afin de vérifier le niveau de leur solidité et leur véracité Ainsi, au début des années 2010, un groupe du Réseau Cochrane a dû lutter pendant plusieurs années pour obtenir des données détenues et retenues par la firme Roche de l'oséltamivir (Tamiflu° ou autre) en traitement de la grippe. L'analyse des données finalement obtenues a révélé de grandes faiblesses méthodologiques dans l'évaluation de ce médicament, des défauts dissimulés par la firme, alors que ces essais avaient conduit divers pays, dont la France, à constituer de grands stocks d'oséltamivir.

En 2015, des chercheurs indépendants ont eu accès aux données brutes d'un essai évaluant la paroxétine (Deroxat° ou autre) chez des adolescents atteints de dépression. Leur analyse des données a montré que dans le compte rendu initial de cet essai, les auteurs et la firme avaient exagéré son efficacité et minoré ses effets indésirables, notamment en dissimulant le risque de suicide.

En avril 2014, un Règlement européen sur les essais cliniques a été adopté, stipulant que les données des rapports d’étude clinique ne relèvent pas du secret commercial. Pour autant, une transparence complète de l'évaluation des produits de santé reste difficile à obtenir de la part des firmes et des agences publiques chargées du médicament.

En pratique, l'évaluation des médicaments comporte diverses fragilités, qui ont été accentuées dans ce cas par la rapidité de publication en réaction à la pandémie de covid-19. De nombreux intérêts sont en jeu. Chacun a intérêt à être prêt à tenir compte dans sa pratique de l'évolution des connaissances.

©Prescrire 8 juin 2020

Pour aller plus loin :

  • "Recherche clinique : pour un accès aux données brutes" Rev Prescrire 2012 ; 32 (348) : 773.
  • "Débat mondial sur l’accès aux données cliniques : l’Agence européenne en position-clé" Rev Prescrire 2014 ; 34 (367) : 377-379.
  • "Oséltamivir : plus de 15 ans de rétention des données et d’enfumage systématique" Rev Prescrire 2015 ; 35 (385) : 872-873.
  • "Dissimulation du risque de suicide : accès aux données brutes d'un essai de la paroxétine" Rev Prescrire 2017 ; 37 (402) : 305-306.
  • "Essais cliniques : davantage de transparence en Europe, à confirmer" Rev Prescrire 2014 ; 34 (374) : 935-936.
  • "Recherche publique française : trop d'opacité !" Rev Prescrire 2018 ; 38 (421) : 855.
  • "Accès à l'information sur les produits de santé entravé en France" Rev Prescrire 2020 ; 40 (436) : 148.

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