Paris, le 16 décembre 2013
Un communiqué du Collectif Europe et Médicament appelle la Ministre de la Santé à arbitrer en faveur d'un site exploitable, remplissant pleinement sa fonction d'information.
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Communiqué de presse
- Dans le cadre de l'application du décret relatif à la transparence sur les liens d'intérêts, le Collectif Europe et Médicament a eu connaissance du projet de site public unique centralisant les liens d'intérêts des acteurs de santé déclarés par les firmes.
- Ses modalités d'utilisation risquent de ne pas répondre aux exigences de transparence des citoyens : les données ne peuvent être extraites du site ; et la qualité du contenu du site n'est pas garantie.
- Le Collectif Europe et Médicament appelle la Ministre de la Santé à mettre en place un site exploitable, remplissant pleinement sa fonction d'information.
Afin de tirer les leçons du scandale sanitaire du Mediator°, qui a été l'occasion notamment de mettre en lumière le rôle néfaste des conflits d'intérêts pour la santé publique, la loi dite de "sécurité du médicament" du 29 décembre 2011 a prévu la publication des liens d'intérêts des acteurs de santé, notamment ceux des professionnels de santé et des associations de patients.
Une publication incomplète permettant d'organiser l'opacité sur les plus gros "contrats"
Publié 17 mois plus tard, en mai 2013, le décret d'application de cette disposition a restreint le champ d'application de la loi, en organisant l'opacité sur les contrats les plus lucratifs (1). En effet, ont été exclus du dispositif les libellés explicites et les montants des rémunérations perçues par les professionnels de santé dans le cadre de leurs contrats à type de prestations de services rémunérées (appelées conventions ; par exemple, honoraires reçus en tant que "consultant") (a).
Vidant la loi d'une part majeure de sa substance, ce décret a fait l'objet de deux recours auprès du Conseil d'État, respectivement portés par l'association Formindep et le Conseil National de l'Ordre des Médecins (2,3). Leur examen est en cours.
Deux années après le vote de la loi, transparence en trompe-l'oeil en France
Fin 2013, deux années après le vote de la loi, moins de 30 % des entreprises concernées ont publié les données sur les "avantages accordés". Ces données sont dispersées sur les sites des différents Ordres professionnels et sur ceux des multiples filiales des firmes. Et elles sont inaccessibles depuis les moteurs de recherche en raison d'un avis controversé de la CNIL recommandant la désindexation de ces données (4).
Un "site unique" public bienvenu, mais dont les modalités d'utilisation risquent de ne pas répondre aux exigences de transparence des citoyens
Le décret de mai 2013 avait annoncé un site unique public devant faciliter l'accès aux informations relatives aux liens d'intérêts, en permettant des recherches multicritères (par exemple : "nom du groupe pharmaceutique", "région d'exercice", "spécialité médicale") (1).
Mi-décembre 2013, ayant eu connaissance du projet relatif à la mise en place de ce site unique, le Collectif Europe et Médicament alerte quant à deux importantes lacunes du cahier des charges du site :
- les données ne peuvent être extraites du site :
- En pratique, un patient Mr X qui va voir le Dr Y ne peut pas taper le nom du médecin et enregistrer le résultat de cette requête simple (par exemple sous forme de fichier pdf daté) ; il ne peut que visualiser les informations à l'écran ;
- De même, le contenu de la base de données ne peut être totalement extrait, empêchant la réutilisation des données brutes à des fins de recherche ; il suffirait pourtant de permettre l'extraction des résultats des recherches avancées (par exemple, extraction de la base au format .xls horodaté) ;
- la qualité du contenu du site n'est pas garantie :
- il n'est pas prévu d'imposer une liste exhaustive de mots-clés explicites pour décrire les "avantages" (transport, repas, buffet suite à une réunion de service/une thèse, inscription congrès, bourse d'étude, ouvrage scientifique, etc.) et les "conventions" (rémunération orateur, rémunération consultant, rémunération investigateur, etc.), ce qui permettrait pourtant d'homogénéiser et d'éviter les énoncés abscons, et faciliterait l'exploitation des données ;
- les données ne peuvent pas être consolidées ou agrégées par dénomination sociale ; en pratique, l'utilisateur doit mentionner le nom exact de l'entité juridique concernée. Le problème réside dans le fait que certains groupes disposent de nombreuses entités juridiques, dont les noms n'évoquent pas de parenté. Il sera donc aisé de rendre inaccessibles les données, en attribuant les liens à une filiale inconnue du public voire basée hors de France. Il suffirait pourtant d'exiger des firmes qu'elles indiquent leur appartenance à tel ou tel groupe pharmaceutique quand elles enregistreront les données sur le site unique ;
Par ailleurs, les archives ne seront gardées que 5 années, certes conformément au décret de mai 2013, mais alors que les médicaments restent en général beaucoup plus longtemps sur le marché (Mediator°, par exemple, est resté sur le marché plus de 30 ans).
Le Collectif Europe et Médicament insiste sur l'importance pour la Ministre de la Santé d'arbitrer en faveur de la mise en place de ces quelques conditions (extraction possible des données, mots-clés explicites pour décrire avantages et conventions, précision du groupe pharmaceutique) qui peuvent faire toute la différence et permettre à ce site public d'être un outil véritablement au service de la transparence et de la prévention des liens d'intérêts néfastes à la sécurité sanitaire.
Le Collectif Europe et Médicament espère aussi que, à l'issue des recours en Conseil d'État contre le décret d'application tronqué de mai 2013, les montants des conventions et des libellés suffisamment informatifs pourront aussi être intégrés à ce site public unique. En attendant, il demande à ce qu'un "avertissement" aux utilisateurs ("disclaimer" en anglais) soit publié sur le site précisant que "les liens d'intérêts publiés sur le site ne représentent pas l'intégralité des liens d'intérêts" (b).
©Collectif Europe et Médicament 2013
Collectif Europe et Médicament. Créé en mars 2002, le Collectif Europe et Médicaments regroupe plus de 60 membres, répartis dans 12 pays de l’Union européenne. Il est composé des quatre grandes familles d’acteurs de la santé : associations de patients et d’usagers, organisations familiales et de consommateurs, organismes d’assurance maladie mutualistes, et organisations de professionnels de santé.
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Contact : pierrechirac@aol.com
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Notes :
a- Les liens d'intérêts les plus importants, ceux des "leaders d'opinion", dont l'Inspection Générale des Affaires Sociales pointait « la forte opacité » et les montants « non négligeables » (jusqu'à 600 000 euros pour un contrat de conseil) continuent ainsi d'échapper à toute publication (ref. 5).
b- Pour les professionnels, la page d'accueil du site devrait préciser :
- la procédure pour les demandes de correction (s'adresser à la firme concernée) ;
- le rappel que "Cette publication ne saurait se substituer aux exigences de l'article L4113-13 du Code de Santé Publique" afin d'éviter que certains leaders d'opinion s'affranchissent de leur obligation de déclaration précise de leurs liens d'intérêts « lorsqu'ils s'expriment lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits [NDLR : pour lesquels ils ont des liens d'intérêts] (… ) ».
Références :
1- Collectif Europe et Médicament "Décret sur la transparence en santé : opacité inacceptable sur les contrats des soignants avec les firmes" Communiqué de presse du 23 mai 2013 : 2 pages. www.prescrire.org > Lire
2- Association Formindep "Le Formindep saisit à nouveau le Conseil d'Etat - Recours en annulation contre les décrets 2013-413 et 2013-414" 21 août 2013.
3- Conseil National de l'Ordre des Médecins "Décret sur la publication des liens d'intérêt et la transparence : nous sommes très loin du compte" 25 mai 2013.
4- Collectif Regards Citoyens "L'Avis de la CNIL qui demande la « confidentialité » des « déclarations publiques d'intérêts »" 12 juin 2013.
5- Inspection générale des affaires sociales "Enquête sur la rémunération des médecins et chirurgiens hospitaliers" février 2009 : 188 pages.
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