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Statines : se poser des questions en termes de morts et d'accidents cardiovasculaires évités, et pas seulement en termes de taux de cholestérol

L'intérêt des statines fait l'objet d'une controverse en ce début 2013 en France ; pour y voir plus clair, sans perdre de vue des nuances importantes, voici un résumé des informations publiées par Prescrire sur le sujet.

  • L'objectif principal des traitements hypocholestérolémiants est de diminuer le risque de mort prématurée et la fréquence des accidents cardiovasculaires majeurs, et pas de corriger le taux de cholestérol dans le sang (critère intermédiaire). L'expérience a en effet montré que des médicaments qui diminuent la cholestérolémie augmentent parfois la mortalité, comme la cérivastatine (ex-Staltor°, ex-Cholstat°) ou le clofibrate (ex-Lipavlon°).
    (n° 159, p. 102) (n° 312, p. 728) (n° 275, p. 567-4 sur le site Prescrire)
    (n° 350 suppl., 2-6-3-2)
     
  • Le contexte clinique est toujours à prendre en compte dans la réflexion : âge, sexe, diabète, antécédents cardiovasculaires, motivation du patient à prendre un traitement médicamenteux pendant de nombreuses années, etc. Un antécédent cardiovasculaire à type d'angor, d'infarctus du myocarde, d'accident vasculaire cérébral ou d'artériopathie symptomatique des membres inférieurs augmente le risque cardiovasculaire. La balance bénéfices-risques des traitements hypocholestérolémiants n'est pas du tout la même selon que les patients ont ou n'ont pas d'antécédent cardiovasculaire (voir plus loin). Les médicaments hypocholestérolémiants ont été évalués surtout chez les hommes, et moins chez les femmes. (n° 263, p. 524) (n° 194, p. 281 et 287) (n° 238, p. 288 et 292)
    (n° 159, p. 158)
     
  • La LDL-cholestérolémie, calculée et vérifiée, représente le critère décisionnel biologique le mieux validé pour instaurer un traitement hypocholestérolémiant. L'hypercholestérolémie étant un facteur de risque progressif, les valeurs limites pour l'instauration d'un médicament ne sont pas à considérer comme des seuils absolus. (n° 201, p. 876)
     
  • La prise en charge des rares hypercholestérolémies importantes familiales d'origine génétique repose sur les mêmes principes que celle des hypercholestérolémies dans la population générale. (n° 258, p. 125)

Agir sans médicament

  • Les patients qui souhaitent diminuer leur risque cardiovasculaire ont intérêt à choisir une alimentation proche de l'alimentation dite “méditerranéenne”, dont les preuves d'une efficacité préventive cardiovasculaire sont relativement étoffées, notamment chez les patients ayant un antécédent cardiovasculaire. Chez ces derniers, par comparaison indirecte, cet effet paraît équivalent ou supérieur à celui d'un traitement par statine, sur des critères cliniques. Selon des données épidémiologiques, cette alimentation est bénéfique aussi chez les personnes n'ayant jamais eu d'accident cardiovasculaire. En pratique, il est raisonnable de proposer ce type d'alimentation, riche en céréales, fruits, légumes et pauvre en graisses saturées (principalement graisses animales), dans la mesure où il semble généralement acceptable et dénué d'effet indésirable grave. (n° 282, p. 277) (n° 264, p. 614) (n° 270, p. 236-2 sur le site Prescrire) (n° 302, p. 926)

Statines de premier choix

  • Tous les médicaments hypocholestérolémiants ne se valent pas, toutes les statines ne se valent pas. Quand un médicament est justifié, le mieux est de choisir la pravastatine (Elisor° ou autre) ou la simvastatine (Zocor° ou autre), les hypocholestérolémiants les mieux évalués en termes de morts et d'accidents cardiovasculaires.
     
  • La pravastatine est la statine de premier choix chez les patients à risque d'interactions médicamenteuses. (n° 276, p. 692/693 et 694)  (n° 194, p. 284) (n° 238, p. 292 et 293)
    (n° 263, p. 523)
     
  • Quand l'effet d'une statine est jugé insuffisant, on ne sait pas si une association avec un autre hypocholestérolémiant est utile, en termes de mortalité et d'accidents cardiovasculaires. Le mieux est de privilégier l'alimentation et le médicament le plus adapté, y compris en termes d'observance. (n° 276, p. 651-2 sur le site Prescrire)
     
  • Les essais ayant montré une diminution statistiquement significative de la mortalité totale grâce à une statine sont peu nombreux.

Prévention primaire

  • Dans un essai en Ecosse chez des hommes n'ayant pas d'antécédent d'accident cardiovasculaire (on parle de prévention primaire) mais à risque notable d'accident cardiovasculaire (par exemple, un participant sur deux était fumeur), la pravastatine a réduit la mortalité totale : au bout de 5 ans de traitement, 6,6 morts pour 1 000 hommes avec la pravastatine, au lieu de 8,4 pour 1 000 avec un placebo, résultat à la limite du seuil de significativité statistique. (n° 194 p. 283-284)
     
  • À titre indicatif, en prévention primaire, chez les hommes de moins de 70 ans, non diabétiques, la valeur seuil de LDL-cholestérol pour proposer un traitement éventuel est d'environ 1,7 g/l (4,5 mmol/l). (n° 238, p. 292) (n° 219, p. 555)

Prévention secondaire

  • Dans un essai mené au Royaume-Uni chez des patients ayant un risque très important d'accident cardiovasculaire du fait de leurs antécédents (infarctus du myocarde, artériopathie des membres inférieurs, etc.) (on parle de prévention secondaire), la simvastatine a réduit la mortalité totale : au bout de 5 ans de traitement, environ 13 % de morts avec la simvastatine, au lieu de 15 % avec un placebo. Deux autres essais, menés avec la simvastatine ou la pravastatine chez des patients ayant eu un infarctus du myocarde ou souffrant d'angor, ont montré une diminution de la mortalité totale, et une diminution des accidents cardiovasculaires. (n° 238, p. 288) (n° 194, p. 284)
     
  • À titre indicatif, en prévention secondaire, la valeur seuil de LDL-cholestérol pour proposer un traitement éventuel est d'environ 0,9 g/l (2,4 mmol/l).  (n° 238, p. 292) (n° 249, p. 245)
    (n° 263, p. 523)

Patients diabétiques

  • Chez les patients diabétiques de type 2 âgés de plus de 40 ans sans antécédent d'accident cardiovasculaire mais ayant un autre facteur de risque cardiovasculaire (tel qu'une hypertension artérielle), un traitement par statine évite environ 1 accident cardiovasculaire par an pour 100 patients traités. Les essais qui ont abouti à ces résultats n'ont pas montré d'effet statistiquement significatif sur la mortalité totale. La valeur seuil de LDL-cholestérol pour proposer un traitement éventuel est d'environ 1,15 g/l (3 mmol/l). (n° 263, p. 520-525)

Effets indésirables à prendre en compte

  • L'efficacité somme toute modeste des statines est à mettre en balance avec leur profil d'effets indésirables, qui est constitué principalement de : troubles digestifs fréquents ; céphalées, sensations vertigineuses, insomnies, troubles visuels ; atteintes musculaires, dont des rhabdomyolyses, parfois mortelles ; rares atteintes des tendons, surtout le tendon d'Achille, avec un risque de rupture ; augmentations des transaminases, rares hépatites ; troubles cutanés (avec, rarement, décollements étendus de la peau dans le cadre de syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson, et photodermatoses) ; rares pancréatites, polyneuropathies périphériques, pneumopathies interstitielles et fibroses pulmonaires ; réactions d'hypersensibilité. (n° 350 suppl., 2-6-2-2) (n° 241, p. 509) (n° 315, p. 29) (n° 295, p. 349) (n° 305, p. 190) (n° 282, p. 269)

Statines de deuxième ligne

  • L'atorvastatine (Tahor° ou autre) a une efficacité démontrée en termes de diminution des récidives après un accident vasculaire cérébral ischémique ou après un infarctus du myocarde chez les patients ayant une hypercholestérolémie. Elle réduit aussi la fréquence des accidents cardiovasculaires chez les patients hypertendus ayant d'autres facteurs de risque cardiovasculaire associés et chez les patients diabétiques de type 2 ayant une hypercholestérolémie et au moins un autre facteur de risque cardiovasculaire. Mais les essais qui ont abouti à ces résultats n'ont pas montré d'effet statistiquement significatif sur la mortalité totale. (n° 276, p. 694) (n° 278, p. 850) (n° 240, p. 462) (n° 296, p. 476) (n° 263, p. 523)
     
  • La fluvastatine (Lescol° ou autre) est moins bien évaluée que la simvastatine et la pravastatine. (n° 300, p. 744)

Autres médicaments envisageables

  • Aucun médicament autre qu'une statine n'a d'efficacité démontrée sur la mortalité totale.
     
  • Le gemfibrozil (Lipur°), un fibrate, ou la colestyramine (Questran°), une résine, sont à utiliser en cas d'inefficacité ou d'effet indésirable des statines. Chez les patients n'ayant pas de complication cardiovasculaire, ces substances n'ont une efficacité préventive établie qu'en cas de LDL-cholestérolémie dépassant 4,9 mmol/l (1,9 g/l), sans effet démontré sur la mortalité globale. (n° 194, p. 284, 286 et 287) (n° 219, p. 555)
     
  • Après infarctus du myocarde, le gemfibrozil est le seul fibrate commercialisé en France pour lequel un bénéfice sur le risque d'infarctus du myocarde, mortel ou non, a été démontré, mais sans effet démontré sur la mortalité globale. (n° 219, p. 555)
     
  • Le profil d'effets indésirables des fibrates est surtout constitué de : troubles digestifs fréquents ; céphalées, sensations vertigineuses, fatigues, troubles visuels, insomnies, impuissances, troubles du goût ; éruptions cutanées, prurits, photosensibilisations, alopécies ; thrombopénies, anémies, leucopénies ; hypoglycémies ; augmentations des transaminases ; lithiases biliaires ; myopathies et rhabdomyolyses (risque majoré en cas d'insuffisance rénale). La plupart des fibrates semblent avoir un effet délétère sur la fonction rénale, sauf probablement le gemfibrozil.  (n° 350 suppl., 2-6-3-2 et 2-6-3-5) (n° 329, p. 193)
     
  • Le profil d'effets indésirables de la colestyramine comporte des : troubles gastro-intestinaux, notamment des constipations fréquentes avec risque de fécalome ou de bézoard, obstructions œsophagiennes ; stéatorrhées et diminutions de l'absorption des vitamines liposolubles (A, D, E et K) ; éruptions cutanées et prurits. (n° 350 suppl., 2-6-4-2)

Médicaments et compléments alimentaires à écarter

  • En l'absence de données cliniques favorables, la consommation d'aliments enrichis en phytostérols ou phytostanols n'a pas sa place parmi les mesures non médicamenteuses de prévention cardiovasculaire, même en cas de risque cardiovasculaire élevé. (n° 266, p. 763 et 767)
     
  • Les données concernant les bénéfices mais aussi les risques, en particulier sur le long terme (toxicité des polluants contenus dans les poissons, peroxydation des acides gras polyinsaturés à longue chaîne, augmentation modérée de la LDL-cholestérolémie), sont insuffisantes pour recommander les acides gras oméga-3, même en cas de risque cardiovasculaire élevé. (n° 270, p. 170, 195 et 199)
     
  • L'efficacité de la rosuvastatine (Crestor°) n'est pas démontrée en termes de morbimortalité, tandis qu'elle expose à une incidence accrue de diabète et à des effets indésirables rénaux et musculaires plus fréquents semble-t-il que les autres statines. (n° 276, p. 694) (n° 304, p. 130)
     
  • Dans un essai clinique chez des patients diabétiques de type 2, le fénofibrate (Lipanthyl° ou autre) ne s'est distingué du placebo que par ses effets indésirables plus fréquents, notamment rénaux. Comme le bézafibrate (Befizal°), sans efficacité sur les accidents coronariens, il n'a pas de place en prévention cardiovasculaire.  (n° 271, p. 296) (n° 329, p. 193)
     
  • En monothérapie, quand une statine n'est pas utilisable, l'intérêt de l'ézétimibe (Ezetrol° ou autre), un inhibiteur de l'absorption intestinale du cholestérol, n'est pas établi sur des critères cliniques. Associer l'ézétimibe avec une statine expose notamment à une augmentation de la fréquence des atteintes musculaires. Un effet cancérogène est suspecté avec l'ézétimibe. (n° 251, p. 409) (n° 276, p. 651-2 sur le site Prescrire) (n° 350 suppl., 2-6-5) (n° 317, p. 187)
     
  • L'acide nicotinique à libération prolongée, seul ou associé avec le laropiprant, n'a pas d'efficacité préventive démontrée en termes de mortalité globale, ni d'accidents cardiovasculaires chez les patients ayant une hypercholestérolémie, alors que ses effets indésirables (bouffées vasomotrices et troubles digestifs notamment) sont fréquents et parfois sévères. Une hépatotoxicité a été rapportée. L'association avec le laropiprant a été retirée du marché début 2013 du fait de l'excès d'effets indésirables, sans ajouter d'efficacité au traitement par statine en termes d'accidents cardiovasculaires. (n° 275, p. 567) (n° 275, p. 567-4 sur le site Prescrire) (n° 350 suppl., 2-6-7) (n° 312, p. 726) (http://www.ema.europa.eu/ema/index.jsp?curl=pages/news_and_events/news/2013/ 01/news_detail_001694.jsp&mid=WC0b01ac058004d5c1)
     
  • Les compléments alimentaires à base de levure de riz rouge exposent à des rhabdomyolyses, comme les statines, sans preuve d'efficacité sur les accidents cardiovasculaires. (n° 287, p.675-676)
Ce résumé repose sur le suivi méthodique du dossier des médicaments hypocholestérolémiants réalisé par l'équipe Prescrire. La source est précisée entre parenthèses : numéro de la revue Prescrire dans lequel est publiée la synthèse des données de l'évaluation clinique correspondante, ainsi que la page où figure précisément l'information. Chaque synthèse Prescrire comporte les références bibliographiques dont sont tirées les données.

©Prescrire 19 février 2013

 
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